Cette photographie ancienne de la rue Piat est l’occasion pour nous de revenir sur un personnage emblématique du 20e : l’Apache. En 1900, c’est dans cette rue qu’a eu lieu le meurtre de deux ouvriers. Ce sordide fait-divers est couvert par la presse parisienne qui emploie pour la première fois le terme d’”Apaches” pour qualifier les bandes de voyous qui écument le pavé parisien.
Au début du 20e siècle, à Paris, une partie de la jeunesse populaire refuse de se plier aux normes de bonne conduite. Ces jeunes gens préfèrent le vagabondage au travail et commettent des crimes qui défraient la chronique. Loin d’être des malfaiteurs organisés, les Apaches sont des bandes de copains qui choisissent des surnoms propres à leurs quartiers : Les Costauds de Belleville, la bande des Orteaux ou Les Gars de Charonne. Ils développent leur style vestimentaire ainsi que leur argot. Craints des bourgeois et des policiers qu’ils narguent sans retenue, ces jeunes bandits souhaitent avant tout vivre de plaisirs. Ce sont des grands amateurs de musette, de fête foraine, de vins et de séduction.
La figure de l’Apache emprunte beaucoup à l’imaginaire du Far Ouest : leur nom fait référence aux tribus de natifs américains. Ils deviennent la coqueluche de la presse parisienne. Si leur existence est avérée, leur mythologie est aussi une création médiatique : l’Apache est un personnage parfait pour tout bon récit de fait divers.
L’Affaire Casque d’or est l’une de ces histoires relayées par les journalistes. En 1902, un fiacre est attaqué en face de l’hôpital Tenon. La raison de cet affrontement se trouve du côté d’Amélie Elie, surnommée Casque d’or en raison de sa chevelure. La jeune femme fait l’objet d’une rivalité entre deux chefs de bande Apaches qui les conduira derrière les barreaux. Le jardin Casque d’Or dans le quartier de Charonne rend hommage à cette femme mythique qui a écrit ses mémoires et dont la vie a été adaptée au cinéma par Jacques Becker.
Si vous cherchez les Apaches d’aujourd’hui, vous les trouverez peut-être au bar qui porte leur nom au 99 boulevard de Ménilmontant. Pas de grand banditisme au rendez-vous, mais des concerts et des DJ sets pour s’ambiancer. Aujourd’hui, rue Piat, on ne trouve plus d’Apaches, mais les tags anticapitalistes et contre l’institution policière témoignent d’une fibre contestataire toujours présente chez la jeunesse du 20e arrondissement.
Mathilde Gay
Photo : le bar Mon Coeur Belleville, rue Piat, qui surplombe le Belvédère de Belleville.
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