Alors que la Foire du Trône vous attend jusqu’au 9 juin 2025, de midi à minuit (jusqu’à une heure du matin les samedis et veilles de jour férié), sur la pelouse de Reuilly, au bois de Vincennes, l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris (AHAV) nous fait remonter le temps.
La Foire du Trône, aussi appelée « foire aux pains d’épices », a été longtemps associée au passé festif et récréatif du 20e arrondissement. Créée en 957, c’est la plus ancienne et la plus grande fête foraine de France et elle a une riche histoire. En 957, la famine frappe le royaume et le roi Lothaire autorise les moines-boulangers de l’abbaye Saint-Antoine à vendre leur pain à la population affamée. Puis la vente de charité se transforme en fête populaire où viennent se produire des jongleurs, des clowns et d’autres saltimbanques. La Foire du Trône est lancée, avec son fameux cochon en pain d’épices.
Pourquoi un cochon ? Le 13 octobre 1131, le fils du roi Louis VI Le Gros, traverse Paris à cheval. Son cheval est effrayé par un cochon surgi au milieu de son chemin, il se cabre et fait chuter le cavalier qui décédera des suites de ses blessures. Le roi interdit alors toute divagation de pourceaux dans la capitale, à la seule exception de ceux de l’abbaye Saint-Antoine. En remerciement de cette faveur royale, les moines inventent un cochon en pain d’épices… vendu pendant la foire, à laquelle il donne son nom.
Pourquoi Foire du Trône ?
La plupart des rois de France étaient sacrés à Reims. Au retour, c’est donc par la porte de Vincennes qu’ils font leur entrée dans Paris. Selon la tradition, un immense trône est installé sur l’actuelle place de la Nation. Le roi y prend place et la population vient lui rendre hommage. D’où le nom de place du trône, qui donnera bien plus tard son nom à la fête qui se tient, jusqu’alors, le long de l’avenue de Vincennes voisine. A la fin du 19e siècle, la foire connaît un immense essor, avec plus de 2 000 forains en 1880. Le public vient nombreux pour y voir femmes à barbe, frères siamois, nains et géants. Les trains fantômes, les manèges de chevaux de bois et les dompteurs de fauves y font aussi leur apparition.
Place de la Nation, Foire du Trône, vers 1900. Carte postale
Mais l’installation de la Foire du Trône dans le quartier de la Nation est de moins en moins commode et les riverains se plaignent. En 1964, on décide de déplacer l’événement sur la pelouse de Reuilly, où elle se tient toujours aujourd’hui. La présence de la Foire du Trône dans le 20e arrondissement y a attiré l’installation d’une population assez nombreuse de gens du cirque, et même, à la fin du 19e siècle, la création d’un petit cirque rue des Prairies : le Théâtre-Cirque miniature Corvi. Ses divertissants spectacles d’animaux dressés ont eu leur petite heure de gloire avant la Première Guerre mondiale.
Longtemps la population parisienne n’a pas été composée seulement d’urbains. Quoique majoritaires, les urbains cohabitaient avec des ruraux, jardiniers et maraîchers qui nourrissaient les Parisiens, nombreux particulièrement dans notre arrondissement, et des gens du voyage, forains, bohémiens… plus exotiques, dont les roulottes sont bien visibles sur de nombreuses représentations de l’espace parisien.
Le 20e arrondissement, comme les autres arrondissements périphériques, comportait naguère encore de vastes espaces de friches non occupées. C’était la « zone », héritée du système défensif mis en place autour de Paris dans les années 1840. Les fortifications militaires enserrant la capitale étaient précédées, côté banlieue, d’un vaste espace de 250 mètres de large, sur laquelle il était prohibé d’élever toute construction en dur. À partir de 1919, les fortifications ont été peu à peu démantelées, mais la « zone non edificandi » était restée et est devenue le refuge d’une population précaire survivant tant bien que mal.
Eugène Atget, Roulottes porte d’Ivry, Paris. BHVP
Les « forains » dans le paysage urbain
La « zone », sur laquelle sera ouvert le boulevard périphérique de Paris à partir des années 1970, était le refuge, entre autres populations précaires (sans domicile fixe, chiffonniers et récupérateurs de vieux métaux et objets, clochards…), des forains, artistes ou commerçants ambulants qui parcouraient les villes et les villages et faisaient étape à Paris.
A Paris, les roulottes des forains investissent tous les lieux disponibles, comme les terre-pleins et contre-allées des boulevards ouverts sur le tracé de l’ancien mur des Fermiers généraux. Ainsi, les registres de l’état civil relèvent, par exemple en 1896, le décès d’une foraine, Catherine Landauer, décédée « boulevard de Belleville face au 87 », et en 1907, celui d’une Louise Caroline Landauer « face au n°6 boulevard Rochechouart ».
Et ce 20e arrondissement bigarré, où les roulottes de forains faisaient partie du paysage, a duré longtemps. Les plus anciens se souviennent sans doute de la roulotte de la cartomancienne, fort célèbre à Paris disait-on alors, stationnée jusqu’il y a peu, boulevard de Ménilmontant, à la sortie du métro Père-Lachaise. Mais aujourd’hui Mme Irma s’en est allée… Où maintenant allons-nous aller nous faire dire la bonne aventure ou tirer les cartes ?
>> Retrouvez l’article « La Foire du Trône est ouverte… ! », sur le site de l’AHAV, l’association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris.
La caravane de la cartomancienne du métro Père-Lachaise. DR
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