Envie de lire un peu plus en 2023 (et de lâcher son téléphone passée une certaine heure) ? On a une suggestion de lecture pour les amoureux d’histoire et du 20e arrondissement que vous êtes. “Quartier charogne” de Nan Aurousseau (2012). Un récit autobiographique sur l’enfance de l’auteur, qui a grandi rue des Maraîchers, entre 1957 et 1966.
Sa famille nombreuse vivait dans la pauvreté, avec un père violent et alcoolique… mais leur quotidien est raconté avec beaucoup de gouaille, d’humour, de tendresse. Ce qu’on a aimé aussi, c’est cette plongée dans les années 50-60, dans les faubourgs populaires de l’est de Paris. Ces noms de rue que l’on parcourt tous les jours, et dont on découvre le passé… Extraits.
“Quartier Quartier charogne, je disais quand on me demandait mon adresse. Si vous avez un plan de Paris sous la main, vous trouverez les limites du quartier Charonne assez facilement : prenez la rue de Bagnolet au métro Alexandre-Dumas et remontez-la jusqu’à la porte de Bagnolet, continuez par le boulevard Davout jusqu’à la rue d’Avron, prenez-la jusqu’au métro Avron et remontez le boulevard de Charonne jusqu’à la rue de Bagnolet. Voilà, vous avez délimité le quartier Charonne. C’est le quartier de Casque d’Or et de son amant Manda, c’est là que j’ai passé une partie de mon enfance.”
“On partait pour l’école vers huit heures un quart. On allait à pied, au 40 rue des Pyrénées, en dix minutes. À midi, on rentrait pour déjeuner. On a jamais été à la cantine, ma mère était contre. Elle faisait une bonne cuisine familiale. Elle allait faire des courses avec sa copine Jacqueline, qui habitait au 100 rue des Maraîchers, ou alors avec Simone, une autre copine, une cavaleuse qui avait des amants dans tous les bars du quartier. Elles allaient rue d’Avron et achetaient des légumes aux marchandes de quatre saisons qui descendaient des potagers de Montreuil avec leur voitures à bras. C’était pas cher les légumes, ça venait d’à côté. C’est pour ça que la rue se nommait “des Maraîchers”.
“Il y avait une bande de terre qui encerclait Paris, elle se nommait “la zone”, et c’est sur cette zone que le périph a été bâti. C’était rien que des morveux qui habitaient là-bas, mais méchants, castagneurs. Ça raclait des pieds pour entrer en classe et ça cavalait à toute blinde pour en sortir.”
“C’est en avançant sur la zone que j’ai rencontré mon ami Schtoro. C’était un manouche. Les manouches habitaient dans des caravanes, sur la zone, cette lande en friche qui délimitait Paris de sa banlieue. Le campement se trouvait juste avant la porte de Vincennes, à droite de la rue de Lagny quand on remontait sur Montreuil. Il y avait des gitans aussi, un peu plus haut vers la porte de Bagnolet, et sur la butte à Morel il y avait encore des roulottes, avec les chevaux. Tous ces gars-là traînaient comme nous sur la zone à la recherche d’on ne sait quelle aventure”.
>> Livre empruntable dans les bibliothèques du 20e arrondissement : Marguerite Duras et Couronnes-Naguib Mahfouz.
Photo : La zone non aedificandi (interdite de construction) Portes de Vincennes-Bagnolet, côté Davout. Photo prise en 1954 par la Direction de la voirie et des déplacements (qui réfléchissait à la construction d’un boulevard périphérique).
—————————-
A lire aussi :
Une thèse sur l’histoire du quartier Réunion (“entre Charonne et Paris”) récompensée d’un prix
Habitat communautaire : la petite histoire des Hauts de Belleville
Boulevard Davout : la petite histoire du poste de garde de l’enceinte de Thiers
Suivez Mon Petit 20e sur Instagram
@monpetit20e