Il a beau ne pas habiter le 20e arrondissement, Paul Lecat connaît le quartier de la Réunion mieux que personne. Du moins, tel qu’il était des années 1830 aux années 1930. Ce trentenaire, chercheur en histoire, vient de soutenir une thèse sur la constitution de ce quartier (après 7 ans de travail !) et de remporter le Prix de thèse sur la ville 2022 qui récompense les meilleures thèses de doctorat ayant trait à l’urbain.

 

Le quartier Réunion naît en 1848, quand fut percée la rue et la place de la Réunion, afin de réunir les faubourgs aux portes de Paris (au niveau du boulevard de Charonne actuel) et le vieux village de Charonne (autour de la rue Saint-Blaise). La commune de Charonne était alors indépendante et ne sera annexée à Paris qu’en 1860. Jusqu’ici entièrement tourné vers l’agriculture maraîchère et viticole, cet espace va s’urbaniser. Passer de la campagne à la ville.

Pour dresser une sociologie du quartier, sur un siècle, Paul Lecat s’est servi de plans, du cadastre, d’actes d’état civil (mariage, décès…), d’archives fiscales… mais aussi de cassettes audio enregistrées dans les années 70 par un médecin (Lionel Longueville), qui a interviewé ses plus anciens patients, ayant vécu au début du siècle dans l’arrondissement. Précieux témoignages. L’objectif était de partir d’histoires de famille, intimes. De petites histoires… qui font la grande pour tâcher de comprendre comment se sont construits les faubourgs populaires de Paris.

On y apprend que cette “ville ordinaire” est la résultante d’une multitude d’actions individuelles de petits propriétaires, artisans ou ouvriers venus du Faubourg Saint-Antoine. Le quartier se bâtit aux marges de la ville haussmannienne, comme une extension du Faubourg Saint-Antoine, et comprend comme lui énormément d’ébénistes qui viennent importer les manières de vivre parisienne et faubourienne.

Son intégration urbaine au reste de la capitale sera une histoire longue, faite de mobilisations locales pour une amélioration des conditions urbaines du quartier. Mais lorsque ce retard est rattrapé, les habitants du quartier se sentent paradoxalement moins Parisiens, et se revendiquent de plus en plus comme appartenant à une banlieue ouvrière qui s’oppose au centre de Paris.

>> “La fabrique d’un quartier ordinaire. Le quartier de la Réunion entre Charonne et Paris des années 1830 aux années 1930”. Une thèse soutenue à l’Université Gustave Eiffel, sous la direction de Fréderic Moret et de Charlotte Vorms. En attente de publication. Les passionnés pourront demander à l’auteur son manuscrit par mail : Paul.lecat@univ-tours.fr

 

Un plan du quartier en 1890 (les originaux sont conservés aux archives de Paris (cote PP/11886/A-E), dont les différentes sections ont été assemblées par Paul Lecat.

 

Une image de la modélisation en 3D d’une partie du quartier, réalisée par Paul Lecat.

——————

A lire aussi :

La place de la Réunion, haut lieu de lutte contre le mal-logement

Place de la Réunion : l’installation d’un Coliving inquiète les locataires voisins

La place de la Réunion représentée sur une affiche d’Aloïs Marignane

 

Suivez Mon Petit 20e sur Instagram

@monpetit20e