Un collectif de riverains s’est constitué pour s’opposer à un projet immobilier au 51-53 rue du Télégraphe, qu’il juge « catastrophique à plus d’un titre, notamment parce qu’il créerait un puits de chaleur et une densité de construction et de population excessive ». Nous relayons ici leur communiqué de presse.
« Le 19 mai 2025, des riverains découvrent un permis de construire affiché au 51 Rue du Télégraphe dans le 20e arrondissement de Paris, annonçant un projet immobilier de grande ampleur : sur l’un des derniers petits immeubles faubouriens du quartier, est prévue une surélévation le faisant passer de trois à huit niveaux plus une terrasse, et une transformation totale du bâtiment avec une extension en forme de L qui doublerait la surface actuelle au sol et refermerait l’espace de la parcelle aujourd’hui ouvert à l’air et à la lumière. Renseignements pris, il s’avère qu’il s’agirait de construire une résidence universitaire de 129 logements.
L’absence totale de concertation avec les riverains est sidérante, considérant l’impact d’un tel projet sur plusieurs copropriétés, et surtout de la part d’une Mairie qui prétend avoir une politique sociale plus humaine. Le 17 juin, lors d’une réunion organisée à la demande des résidents, la Mairie leur apprend qu’elle avait été alertée dès 2020 d’un projet immobilier d’envergure sur cette parcelle, et qu’après avoir refusé plusieurs permis de construire, elle a entamé depuis 2022 des négociations avec les propriétaires de l’immeuble. Ceux-ci ont signé une promesse de vente avec un acteur privé, Crédit Agricole Immobilier – Promotion, qui se voit accorder en mai 2025 un permis de construire. Mais la Mairie est tout sauf neutre dans ce dossier, car elle saisit l’occasion de cette demande de permis pour pousser son propre projet de résidence universitaire, même si cela signifie l’expulsion pour les locataires actuels du petit immeuble.
Elle prétend qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’accorder ce permis, puisque le Projet Local d’Urbanisme (PLU) serait selon elle respecté. Les riverains considèrent au contraire que la Mairie aurait dû utiliser l’article 11 lui permettant de le contester, au motif que le projet ne répond pas aux exigences d’insertion dans le tissu urbain et social. Ayant été alertée dès le début de son mandat du risque de projets démesurés, elle aurait dû également œuvrer à modifier le PLU de façon à préserver cette parcelle de telles « ambitions » à l’avenir. Mais jamais elle ne l’a jugé opportun, pas plus que de lancer une concertation. M. Baudrier, adjoint à la Maire de Paris en charge du logement et de la transition écologique du bâti, se présente sur son profil LinkedIn comme un élu qui a « la volonté de développer la démocratie participative », les riverains de la Butte du Télégraphe- Belleville n’ont malheureusement pas eu l’occasion d’en bénéficier…
Ce qu’ils voient en revanche, c’est une politique de construction massive, totalement contraire aux enjeux écologiques, une densité accrue de construction sur un petite parcelle, située à proximité, voire au-dessus des sous-sols du métro. Les riverains s’inquiètent d’un risque d’instabilité des sols et d’érosion des cavités sur cette Butte, considérant le poids et l’envergure d’un tel immeuble en L, et considérant l’important dénivelé sur cette parcelle. L’absence d’avis de l’Inspection Générale des Carrières dans le dossier du permis de construire ne rassure pas, tout comme l’absence d’information sur la manière dont le sous-sol sera renforcé : probablement par du béton et des pieux, comme cela se fait ailleurs, ce qui n’est absolument pas écologique. L’inquiétude est également accrue par l’accumulation d’autres chantiers, déjà effectués dans ce même quartier, notamment la construction d’une sortie ascenseur du métro Télégraphe et l’apparition concomitante de fissures dans des appartements côté 20e et côté 19e de la Rue de Belleville.
À cela s’ajoute un problème de surdensité de population, dans un arrondissement déjà parmi les plus peuplés, et arrivé à saturation. Comment voir une réponse sociale dans la construction de « cages à lapins », avec une promiscuité maximale dans ces 129 logements de taille réduite, au lieu d’unités de logements à taille humaine et de quartiers désenclavés ? M. Jacques Baudrier a déclaré publiquement qu’il souhaitait répartir sur l’ensemble du territoire des surélévations de deux ou trois étages au maximum, à l’opposé donc de ce que le projet actuel prévoit. Il rappelait également, lors d’une interview accordée à Libération en décembre 2023, que près d’un logement sur cinq est inoccupé, selon les données publiées par l’Atelier parisien d’urbanisme. Ceci fait en effet partie des causes profondes de la crise du logement, auxquelles il serait donc préférable de s’attaquer, plutôt que de construire toujours plus.
Ce projet immobilier est une promesse de cauchemar quotidien, et les conditions de logement et de vie seront aussi mauvaises pour les résidents actuels que pour les futurs locataires de cette résidence étudiante : alors que les températures ne cessent d’augmenter, ce projet créerait, en lieu et place d’un îlot de fraicheur où l’air peut encore circuler, un îlot de chaleur urbain (ICU), puits de chaleur délimité par les murs des différents immeubles concernés et augmenté d’une nouvelle construction en L. Alors que le quartier est situé dans un « secteur de renforcement du végétal » selon la Direction de l’Urbanisme de la Ville, la bétonisation se traduirait aussi par l’abattage de six arbres et sept arbustes, dont un arbre estimé à plus de 30 ans. De plus, une telle construction créerait également une caisse de résonance dans un espace enclavé, avec des nuisances sonores encore amplifiées par le choix de construire des façades et de balcons en bois côté cour ; la taille de l’immeuble – 8 étages + terrasse – signifie aussi une immense perte de lumière et de vue dégagée. À cela s’ajoutent des risques d’intrusion du fait que la terrasse sur le nouvel immeuble donnerait un accès direct aux terrasses babyloniennes de la copropriété du 238-240 rue de Belleville et 55 rue du Télégraphe.
Enfin, le projet porterait atteinte au patrimoine, car du côté cour, la façade faubourienne typique du 19e siècle disparaîtrait, contrairement à la promesse faite du maintien de cette façade à l’identique : le permis de construire démontre qu’elle serait totalement transformée avec le « bardage bois » et les balcons filants également en bois. Seule la façade du côté rue serait conservée, alors qu’elle n’a justement pas le charme de l’autre. La Commission du Vieux Paris avait d’ailleurs rendu un avis très défavorable à propos du projet précédent, semblable en tous points, hormis le fait qu’il prévoyait un étage de plus. La Mairie s’est bien gardée de demander un autre avis à cette Commission, qui aurait certainement rendu le même.
Le collectif de la Butte Télégraphe – Belleville attend des élus qu’ils fassent preuve de cohérence entre leur discours en faveur de l’écologie et de la justice sociale et la réalité de leur politique. Comme trop souvent, ce projet démesuré et aberrant revient à « déshabiller Paul pour habiller Jacques », et de surcroît avec des « habits » bien indignes. Paris a désespérément besoin d’une politique plus juste de logement, y compris pour les jeunes, mais basée sur des constructions à taille raisonnable et mieux réparties sur tout le territoire. Ce projet, qui n’est ni écologique ni véritablement social, a été conçu sans concertation, contre les riverains et contre le respect de conditions de vie dignes propices au vivre ensemble. Nulle surprise qu’il provoque une telle colère et une telle mobilisation. »
Une pétition a été créée sur une pétition sur change.org.
Pour plus d’infos, vous pouvez contacter : ccoudriou@yahoo.com
Photo du petit immeuble faubourien (à droite sur la photo) qui va être totalement transformé en un immeuble en forme de L de 9 étages
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