Forment-ils l’un des plus vieux couples d’artistes peintres encore en activité à Ménilmontant, voire dans le 20e arrondissement de Paris ? Difficile à vérifier… Pour autant, leur singulière histoire mérite assurément d’être ici racontée.

Ils nous parlent d’un temps que nombre d’entre nous ne peuvent pas connaître. Née en 1930 dans l’est de l’Allemagne, Brigitte a dû fuir la RDA en 1952. “On a glissé un petit mot sous ma porte, en me disant de décamper. Mon tort ? Avoir déchiré une affiche très kitsch représentant Staline”, raconte-t-elle. C’est à bicyclette qu’elle traverse la rivière Werra et rejoint clandestinement l’Allemagne de l’Ouest, où le reste de sa famille s’était déjà réfugiée. Une entreprise très risquée : seule la selle dépassant le niveau d‘eau était visible par les sentinelles sur les miradors qui avaient l’ordre de tirer sur toutes personnes essayant de fuir.

Alors qu’elle suit des cours à l’Académie des Beaux-Arts de Munich en 1954, elle rencontre Werner, un étudiant suisse. Le couple se marie trois ans plus tard et s’installe à Bâle. Mais c’est à Paris que le duo souhaite installer son atelier au début des années 80. Après un rapide passage rue des Panoyaux et rue Pixérécourt, ils tombent sur une ancienne manufacture de cadre et de dorure, rue des Partants à Ménilmontant, qu’ils sauvent de la démolition.

Difficile de résumer leur style. Werner a commencé par le paysage, avant de basculer dans l’hyperréalisme. Inspirées par le Bauhaus et l’art moderne, les toiles de Brigitte peuvent parfois ressembler à du Fernand Léger. Quant à certains tableaux, ils sont peints de leurs quatre mains. S’ils vivent de la peinture depuis leur vingtaine, Ils ont parfois eu de petits jobs en parallèle, car la vente de toile ne suffisait pas toujours. Brigitte a été dessinatrice de mode, tandis que Werner fut professeur de dessin. Si bien qu’un des trois enfants du couple, Boris a voulu devenir ingénieur pour ne pas se retrouver dans la même précarité que ses parents, quand il était enfant. Mais l’amour de l’art l’a finalement rattrapé. Aujourd’hui retraité, il vient d’ouvrir une galerie en Suisse.

Au fil des années, les œuvres de Werner et Brigitte furent de plus en plus appréciées, notamment des galeries parisiennes (Galerie Lilian François, rue de Seine). Mais aussi de galeries à Bâle et à Cologne en Allemagne. Plus récemment encore, deux tableaux de Werner ont fait leur entrée dans des musées suisses, au Museum Tinguely de Bâle et au musée de Thoune (Canton de Berne). Ultime consécration.

>> Envie de voir leurs tableaux de plus près ? Une dizaine de toiles est exposée jusqu’à la fin octobre au Vintième, bar à vin du 7 rue Sorbier. Une fois par an, leur atelier se visite lors des portes ouvertes des artistes de Ménilmontant – dont ils font partie depuis 1991 (prochain rendez-vous en 2025).

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