Une pétition a été lancée et un comité de soutien créé pour dénoncer la fermeture prévue de ce centre de santé du secteur associatif, qui garantit l’accès aux soins de populations souvent en situation de précarité. On fait le point sur la situation.

1/ De quel centre s’agit-il ? Implanté depuis 15 ans dans le 20e arrondissement, au 89 bis rue Haxo, le centre de santé Haxo appartient à la Croix-Rouge française (une association d’aide humanitaire historique, fondée en 1864). Le lieu dispose d’une offre de soins de médecine générale ainsi que neuf spécialités (endocrinologie, phlébologie, dermatologie, gynécologie, oto-rhino-laryngologie, rhumatologie, gastro-entérologie, cardiologie, psychiatrie et pédiatrie), ainsi qu’un service dentaire, un service de soins infirmiers et un service de radiologie récemment rénové. Des interruptions volontaires de grossesses  (médicamenteuses) sont également pratiquées sur place. 

2/ Quelle est sa singularité ? Son accessibilité, pas seulement en termes d’amplitude horaire (8h30-19h30, 9h-13h le samedi), mais surtout en termes de tarifs. Dans ce centre de santé, les professionnels sont des salariés et le tarif de la consultation et de l’intervention sont fixés selon les règles du secteur 1. C’est-à-dire sans dépassements d’honoraires. Le tiers payant s’applique, grâce à des conventions avec de nombreuses mutuelles, ce qui permet une dispense totale ou partielle d’avance de frais. De plus, les bénéficiaires de la Couverture maladie universelle (CMU) et de l’aide médicale d’Etat (AME) sans discrimination (ce qui peut parfois arriver chez certains professionnels libéraux). Enfin, les délais d’attente sont plutôt raccourcis par le fait que les patients sont suivis par l’équipe du centre, et non par un médecin en particulier. 

4/ Est-ce le seul dans cette situation ? Ce sont six centres de santé que la Croix-Rouge compte fermer en Ile-de-France : Antony, Boulogne, Meudon, Villeneuve-la-Garenne, centre de santé Haxo (Paris 20e), et Olympiades (Paris 13e). Ces centres prennent en charge plus de 40 000 patients (dont 8 500 environ dans le 20e arrondissement) et emploient près de 150 salariés. Lancée en janvier 2024 sur change.org, une pétition contre leur fermeture rassemble à ce jour 5 400 signatures. Un comité de soutien au centre Haxo a lui été créé le 14 mars dernier, dans le 20e arrondissement. En 2023, deux centres infirmier de la Croix-Rouge ont fermé en Haute-Vienne, tandis qu’en Seine-Saint-Denis, la fermeture des trois derniers centres de la Croix-Rouge (Blanc-Mesnil, Epinay-sur-Seine, Drancy) est bien plus ancienne (2005). 

4/ Pourquoi la Croix-Rouge souhaite fermer ? L’association avance un déficit structurel lié à une mauvaise gestion. “Ces établissements privés associatifs, auxquels les pouvoirs publics délèguent de plus en plus de tâches de santé publique, tanguent. La faute à un sous-financement chronique et à la concurrence des centres privés lucratifs”, décrypte Médiapart. Dans un article du Monde, datant de 2005 et de la fermeture des centres en Seine-Saint-Denis, l’entourage du président de l’organisation humanitaire, décrivait une situation budgétaire “intenable”“Dans ces centres nous agissons en tant que délégataire d’une mission de service public. La Croix-Rouge ne peut pas être seule comptable de l’organisation des soins”, expliquait l’une des porte-parole de l’organisation. Des responsables municipaux évoquaient, eux, un changement de stratégie de la Croix-Rouge. “L’organisation se recentre sur l’humanitaire et l’international au détriment de ses activités de proximité. Cela nous a été clairement dit”.

5/ Quel avenir pour ces centres de santé ? Alors que Croix-Rouge cherche à céder ses activités, le Conseil de Paris s’est exprimé contre la tentative de cession de ces centres à un acteur privé à but lucratif et pour la pérennité de l’activité. De même que l’ont fait les maires d’arrondissement, certains maires des territoires concernés et des organisations syndicales.

6/ La mairie de Paris pourrait-elle le reprendre ? “Une discussion avec la Mairie d’arrondissement, la Ville de Paris et les autres collectivités concernées aurait pu aboutir à une reprise de ces centres par les municipalités ou d’autres associations. Mais pour le moment, la Croix-Rouge insiste pour vendre les 6 centres de santé à un seul et même opérateur, ce qui disqualifie d’emblée les collectivités et la plupart des repreneurs à but non-lucratif”, écrit la communiste Karine Duchauchoi, adjointe au maire du 20e en charge la santé. De son côté, la députée LFI Danielle Simonnet en appelle à l’Etat, à la Région, et à la ville pour “que tout le monde se mettent autour de la table pour trouver une autre association repreneur ou pour créer un centre de santé municipal”. Objectif : empêcher la destruction de l’offre de soins existante.

7/ Quels sont les centres de santé publics dans le 20e arrondissement ? Le mairie de Paris compte 7 centres de santé municipaux, mais aucun n’est situé dans le 20e. On compte néanmoins un centre de vaccination municipal et un centre médico-social (chargé de faire du dépistage VIH/IST) à Belleville et 3 centres de santé sexuelle.

———————-

Une maison de santé innovante à Belleville

Quel avenir pour la médecine généraliste dans les quartiers populaires ? La maison de santé pluridisciplinaire Pyrénées-Belleville fait actuellement partie d’une expérimentation nationale intitulée “SECPA”, pour Structures d’Exercice Collectif PArticipatives, qui pourrait apporter une réponse. En résumé, les professionnels de santé y sont salariés et ont à coeur de réduire les inégalités sociales dans l’accès à la santé au sein du quartier Belleville-Amandiers. L’équipe pratique notamment le tiers-payant avec les patient·es et des postes de médiateurs en santé ont été créés pour accompagner les patients les plus en difficultés. Leurs tâches peuvent consister à leur “rappeler leurs rendez-vous médicaux”, à organiser des actions de prévention, ou des “café-santé pour les usagers qui auraient besoin d’échanger dans un contexte convivial”. >> Maison de Santé Pyrénées Belleville. 12 rue Botha, Paris 20e.

———————

À lire aussi :

Avortement : l’histoire de la mobilisation pour le maintien du centre IVG de l’Hôpital Tenon

Hôpital Tenon : zoom sur le Centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme (CECOS)

A l’affiche : “Notre corps”, documentaire intime tourné au service gynécologie de l’hôpital Tenon