De la naissance d’Édith Piaf à la dernière demeure du poète Guillaume Apollinaire en passant par les artisans du quartier de Belleville, vous connaissez peut-être déjà le passé artistique du 20e arrondissement de Paris. Peut-être un peu moins son rôle dans le mouvement punk alternatif des années 80. Et pourtant !
Alors que la spéculation immobilière et la politique municipale de la Mairie de Paris repoussent un peu plus les classes populaires vers la périphérie de la ville, le 20e arrondissement devient, dans les années 80, le théâtre de l’émergence de la scène punk francilienne. Étroitement liés au mouvement punk, plusieurs squats émergent dans le 20e arrondissement, rue Vilin et rue des Cascades notamment. À la fois lieu de vie et de création artistique, Rémi Pépin – musicien au sein du groupe punk parisien Guernica – se souvient : « Rue Vilin, on n’y est pas restés longtemps. Et puis on est allés rue des Cascades. […] Ils nous ont laissés organiser des concerts à prix libres. Et il y avait aussi l’Usine Pali-Kao. »
En effet, à quelques rues de là, quatre artistes investissent une ancienne papeterie au 22 rue de Pali-Kao. L’Usine Pali-Kao se veut avant-gardiste mêlant spectacle vivant, performances et expositions. Grâce à l’organisation d’une programmation récurrente, de nombreux groupes punks viennent s’y produire entre 1981 et 1983. Ainsi, les Rita Mitsouko partagent l’affiche avec Antena et Art&Technique en février 1982. Venu faire leur concert d’adieu, le groupe Bérurier Noir signe finalement leur renaissance sur la scène de l’Usine Pali-Kao, porté par la ferveur du public présent un soir de juin 1983.
Voué à être éphémère, l’espace ferme ses portes fin 1983, conformément au bail précaire non renouvelable dont le collectif bénéficiait. À ce haut lieu alternatif du début des années 1980, succède une école maternelle – toujours ouverte aujourd’hui.
1984, le tournant du mouvement
Cette année-là sonne la fin des squats du 20e arrondissement. Des faits divers secouent la scène punk – siège du Moto Club des Vandales à Saint-Blaise faisant un mort, violentes bagarres sur la rue de Tlemcen, défenestration lors d’un concert rue des Cascades – obligeant le mouvement à se déplacer pour prendre vie autrement.
Chez Jimmy, un bar situé au 104 de la rue de Bagnolet, une bande de copains décide de créer une association qui permettra au punk alternatif de poursuivre sa route : Paris-Bar-Rock. Avec la complicité du lieu, ils y organisent des concerts punk et rock le dimanche après-midi (pour éviter les problèmes d’alcool). « On y a joué plusieurs fois, d’abord à trois avec Manu [Chao] et Schultz [du groupe Parabellum]. C’est là qu’on a rencontré Alain, le contrebassiste des Wampas », raconte Antoine Chao, membre des groupes de rock alternatif Los Carayos, Chihuahua et la Mano Negra.
D’autres lieux de l’arrondissement accueilleront également les concerts des Paris-Bar-Rock dans les années qui suivront comme L’Auvergne, rue de Buzenval, ainsi que La Bellevilloise. En 1987, l’association – rebaptisé Barrocks – quitte son quartier historique et continue sa route ; d’abord dans le 14e arrondissement, puis au Gibus (Paris 11e), et enfin à la Java (Paris 10e) où elle continue d’y organiser des concerts punk/rock.
Ce qu’il reste de punk dans le 20e
Si la plupart des lieux qui ont vu naître et grandir le punk des années 80 sont fermés aujourd’hui, quelques adresses ont pris le relais pour les nostalgiques de l’époque. Rendez-vous donc à La Maroquinerie (Ménilmontant), à La Flèche d’Or (Porte de Bagnolet) et au Cirque Électrique (Porte des Lilas), qui concentrent l’essentiel des concerts punk de l’arrondissement, en faisant une place de choix aux artistes et groupes du mouvement dans leur programmation musicale.
Charlène Gilouppe
Rédactrice indépendante
Sources :
Vivre libre ou mourir : punk et rock alternatif en France, 1981-1989 – Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog – Glénat
(pour les citations de Rémi Pépin et Antoine Chao notamment)
Une histoire du rock alternatif par Rémi Pépin – France Culture
5 lieux où écouter un concert punk à Paris – Les Inrocks
Rascal ou l’aventure des Barrocks ! – Buzz on web
Première photo : Concert du groupe punk D.O.A. au bar L’Auvergne (Paris 20), organisé en 1986 par l’association Barrocks © MXWL photographie
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