Alors qu’à eu lieu ce 21 février la panthéonisation de Missak Manouchian (commandant pour Paris du FTP-MOI) et de sa femme, Mélinée, l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris (AHAV) nous raconte l’histoire du monument inauguré en mai 1989 en hommage aux combattants du Groupe Manouchian.

D’où vient l’origine du sigle “FTP-MOI” ? Francs-tireurs et partisans (FTP), est le nom du mouvement de résistance intérieure française officiellement fondé en 1942 par la direction du Parti communiste français (PCF). Plus tôt, en 1925, le PCF avait créé la MOE, une section du parti pour y intégrer – de manière séparée – la Main d’Œuvre Étrangère. Dans les années 1930, cette dénomination sera remplacée par l’acronyme “MOI”, Main d’Œuvre Immigrée, jugée moins péjorative. Elle deviendra une composante des FTP pendant la guerre, d’où le nom accolé, FTP-MOI. Quant à Missak Manouchian, il adhère au PCF en 1934 et intègre la MOI, section qui va plus tard naturellement devenir clandestine. Leur mission est plus précisément d’harceler l’ennemi par des actions terroristes et tenir Paris.

20 mai 1989 au Père-Lachaise, l’hommage des communistes aux combattants FTP-MOI. L’initiative du monument au Père-Lachaise en revient à Rol Tanguy, chef des FFI (Forces françaises de l’intérieur) d’Ile de France, puis membre du comité central du PCF en 1962. Cette année-là il va même lui être demandé de se présenter aux élections législatives dans la circonscription Charonne-Père Lachaise. Parallèlement en juillet 1962 quatre concessions à perpétuité sont achetées par le PCF, sans affectation, près du mur des fédérés. L’un de ces emplacements sera ainsi disponible en 1989 pour y installer ce cénotaphe.

Sur la tribune montée à côté du monument, Georges Marchais secrétaire national du PCF prend la parole devant la foule rassemblée. Dans son discours, il présente “Ces héros, ces martyrs (qui) n’étaient pas nés dans notre pays. Juifs, ou révolutionnaires -et, bien souvent, juifs et révolutionnaires-, ils avaient dû fuir leur patrie parce que le fascisme les en avait chassés. À la fin des discours, Georges Marchais demande à Rol Tanguy de venir auprès de lui pour dévoiler la stèle ; leurs rapports ne sont pas très bons et selon Jean Vigreux, historien, expert à la Fondation Jean Jaurès et rédacteur à l’Humanité, Rol Tanguy refuse.

Le monument présenté par son mosaïste. La stèle du monument est l’œuvre de l’architecte Jean-Michel Daquin et du mosaïste Verdiano Marzi qui explique les choix du lieu retenu et sa composition personnelle. Avec des petits cubes de couleur (tesselles) provenant d’Italie, “le rouge d’Alicante, les marbres marrons d’Europe centrale, le grand bleu d’Argentine et du Brésil, nous avons conçu le monument comme un engagement fait de respect et d’admiration pour les combattants de la MOI, l’un de nous étant lui-même immigré. L’œuvre s’intègre à la solennité du lieu avec ce qu’il représente comme mémoire de l’histoire française et de sa culture. Lieu de visite très fréquenté, chacun y reconnaîtra des symboles. Ceux qui sont suggérés nous paraissent accessibles à toutes les cultures.”

Pourquoi une réalisation si tardive ? Danielle Tartakowsky, professeure émérite d’histoire contemporaine, constate le fait qu’à côté de cette œuvre se trouve le monument qui date de 1975 « en hommage aux femmes communistes qui ont donné leur vie pour la victoire de la liberté contre le nazisme pour le triomphe de la paix ». Pourquoi ces deux mémoriaux érigés si tard ? Elle nous fait remarquer qu’« ils ont pour effet pervers de souligner que les deux groupes concernés avaient jusqu’alors été sous-représentés, voire ignorés ».Peut-être aussi, parce que quatre ans avant l’installation de ce monument, un documentaire très controversé sur cette période passe à la télévision sur Antenne 2 :  il s’intitule Des terroristes à la retraite et fait l’objet de polémiques au point d’être censuré pendant près de deux ans. Dans ce long métrage, Mélinée Manouchian met en cause le Parti Communiste, en l’accusant d’avoir sciemment envoyé le groupe à une mort certaine. Pour autant, le 20 mai 1989, Mélinée Manouchian sera présente à l’inauguration parmi d’autres personnalités. Elle décédera six mois plus tard.

Les FTP dans le 20e. À la Libération de Paris, le 23 août 1944, les résistants FTP interviennent à la station de la Petite Ceinture, gare de Ménilmontant. Ceux du réseau Nord-Libération et un groupe local de résistants (le groupe Piat, du nom de la rue voisine) font prisonniers les soldats allemands et s’emparent du train. Dans cet assaut, cinq résistants ont été tués. Aujourd’hui, trois plaques mémorielles restent visibles : sur la passerelle rue de la Mare, rue de Ménilmontant sur la grille au- dessus de la voie ferrée, et au 26 rue Piat.

>> Retrouver l’intégralité de cet article “Le monument FTP-MOI au Père Lachaise”, sur le site de l’AHAV, l’association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris.

Monument FTP-MOI au Père Lachaise. AHAV-PG

Cénotaphe à la mémoire des résistants FTP-MOI au cimetière du Père Lachaise © Wikimedia Commons – Pierre-Yves Beaudouin

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