En cette semaine marquée par l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution et par la Journée internationale des droits des femmes, c’est un autre combat féministe que nous raconte l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris (AHAV).

L’action se passe au Père-Lachaise. Deux étudiantes de Sciences-Po, Marie et Violette, se sont lancées bénévolement dans une opération de préservation du matrimoine. Le binôme souhaite restaurer le médaillon d’une femme sculpté sur sa stèle. Une tombe située dans la 86e division, celle où se trouve notamment Guillaume Apollinaire. Cette tombe, ornée d’un médaillon, est celle de Zoé-Alexandrine Cadiot. Et la singularité de l’histoire, c’est que le médaillon a été sculpté par sa fille Noémie, dite Claude, beaucoup plus connue que sa mère, et dont la tombe est située non loin de la sienne.

Marie-Noémie Cadiot, dite Claude Vignon (1828-1888), aura une vie haute en couleurs. Et décidera de sculpter ce médaillon de sa mère pour l’apposer sur sa tombe, en hommage à celle-ci. Sculpté en pierre, il a d’abord été exposé au Salon de 1868. La datation du monument est plus tardive et se situe entre 1877 (mort de Zoé-Alexandrine Cadiot) et 1886, soit deux années avant la mort de Claude Vignon elle-même.

Née le 12 décembre 1828 à Paris et morte le 10 avril 1888 à Villefranche-sur-Mer, Marie-Noémie Cadiot, qui deviendra Claude Vignon, a eu plusieurs vies. Elle sera à la fois sculptrice, critique d’art, journaliste, romancière et féministe française. En 1843, à l’âge de 15 ans, elle quitte le pensionnat pour se lier à un diacre ayant quitté le séminaire avant d’être ordonné prêtre. Lui deviendra à la fois écrivain libre-penseur et artiste. En 1846, à 18 ans, elle vient vivre avec lui, au grand dam des parents.

Échappant de peu à une accusation de détournement de mineure par le père de Noémie, ce défroqué est obligé d’épouser civilement la jeune fille, à la mairie du 10e arrondissement de Paris. Elle le quittera cependant une dizaine d’années plus tard pour le marquis Alexandre Sarrazin de Montferrier. C’est à ce moment-là que Marie-Noémie Cadiot prend des leçons auprès du sculpteur James Pradier, également enterré au Père Lachaise. Sa vie de sculptrice commence alors, et elle mène de front écriture et sculpture.

Au Salon de 1852, elle expose une statue de Bacchus, aujourd’hui au Musée de Caen. Elle participe notamment aux travaux de la fontaine Saint-Michel de Paris – le bas-relief central -, à la décoration du Louvre et des Tuileries – dix bas-reliefs sont placés dans l’escalier qui mène à la Bibliothèque du Louvre. À l’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement, elle réalise les quatre figures du haut-relief du porche. Elle sculpte de nombreux bustes, dont une statue de Daphné exposée à l’Exposition Universelle de 1867.

Parallèlement, elle écrit dans Le Tintamarre et Le Moniteur du Soir des feuilletons littéraires sous le pseudonyme de “Claude Vignon” (nom tiré du roman Béatrix de Balzac, également au Père Lachaise), pseudonyme qu’elle adopte officiellement en 1866. À partir de 1849, elle développe une activité de critique d’art pour le Journal des femmes. C’est dans ce contexte à la fois politique, social, artistique et intime, dans ce XIXe siècle riche en luttes et combats sociaux, que s’inscrit la vie de Claude Vignon. Une époque où peu de femmes trouvent la reconnaissance de leurs œuvres. D’où plus localement pour nous, tout l’intérêt de la sculpture de ce médaillon sur la tombe de Zoé-Alexandrine Cadiot.

Une campagne de mécénat participative

Recherches, rendez-vous, étude de faisabilité… les deux étudiantes en sont actuellement arrivées à la finalisation du projet : il reste la collecte, le financement destiné à sa restauration. Cette initiative part du projet “Le Plus Grand Musée de France étudiant” (PGMF), issu d’une coopération entre Sciences Po et la fondation de la Sauvegarde de l’Art Français. Le montant à collecter pour la restauration s’élève à 4000 €, somme modeste. Encourageons Violette et Marie dans leur action, faisons connaître ce projet autour de nous.

Pour contacter les porteuses du projet :
marie.seigne@sciencespo.fr
violette.lafondgrellety@sciencespo.fr
Le lien vers la souscription

>> Retrouver l’intégralité de cet article “Action matrimoniale au Père Lachaise, deux étudiantes au service d’une restauration“, sur le site de l’AHAV, l’association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris.

Marie et Violette au Père Lachaise devant la sépulture de Zoé Alexandrine Cadiot -PG

Tombe de Zoé Alexandrine Cadiot – PG
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