Cela faisait longtemps qu’on admiraient les photos publiées sur son compte Instagram. Et voilà qu’on s’est (enfin) décidé à interviewer Benoît Gallot, le conservateur du cimetière du Père Lachaise.

La vie au cimetière. C’est le nom du précieux compte Instagram animé par Benoît Gallot, le conservateur du Père Lachaise. Bien que peuplés de morts célèbres ou anonymes, ses photos montrent que c’est aussi un lieu clef pour la biodiversité. Le cimetière abrite une quarantaine d’espèces d’oiseaux, mais aussi des fouines, des chats, des renards, des hérissons… C’est d’ailleurs à Benoît Gallot que l’on doit les photos de renardeaux, prises en avril 2020 lors du premier confinement. Alors forcément, on avait plein de questions à lui poser.

Comment devient-on conservateur du Père Lachaise ?
Un peu par hasard. J’ai fait des études de droit et après deux ans en tant que juriste d’entreprise, j’ai intégré la Ville de Paris suite à un concours. Premier poste que l’on me propose : travailler au Père Lachaise ! Plus précisément au Bureau des Concessions (service support des 20 cimetières parisiens qui gère toutes les questions de droit funéraire). Après 4 ans au Bureau des Concessions, j’ai été nommé conservateur du cimetière parisien d’Ivry en 2010. En 2018, je suis devenu conservateur du cimetière du Père Lachaise. Pour l’anecdote, mes parents et mes grands-parents travaillaient dans le funéraire (ils possédaient une entreprise de marbrerie funéraire en Seine-et-Marne). Je n’ai pas repris l’entreprise familiale mais je travaille finalement dans le même secteur !

Vous souvenez-vous de votre première visite au Père Lachaise ?
Je n’avais jamais visité le Père Lachaise avant d’y travailler. Ma première visite a été faite en avril 2006, lors de ma semaine d’intégration à la Ville de Paris en compagnie de l’historien qui travaillait au Service des Cimetières à cette époque. Visite passionnante qui ne m’a pas fait regretter mon choix ! La preuve, j’y suis toujours 15 ans après. Comme on dit dans le funéraire : on y entre par hasard, on y reste par vocation !

Êtes-vous le seul à pouvoir vous balader la nuit au Père Lachaise ?
Nous sommes cinq agents à être logés au total au sein du cimetière. Nous pouvons donc y déambuler après la fermeture. Le cimetière est toutefois très dangereux la nuit tombée en raison de l’absence d’éclairage public. C’est en revanche une chance pour les animaux qui profitent de l’absence de lumière artificielle pour y vivre dans les mêmes conditions qu’en pleine nature.

À quoi ressemble une de vos journées type ?
L’avantage de mon métier est qu’il n’y a pas vraiment de journée-type et donc pas de routine. Mais je peux dire que je consacre l’essentiel de mon temps aux trois tâches suivantes : coordonner le travail des 80 agents qui travaillent au cimetière (administratifs, agents de surveillance, cantonniers et fossoyeurs), assurer le suivi du gisement domanial (délivrance et reprises des concessions funéraires), et enfin répondre aux sollicitations des usagers. Le Père Lachaise est avant tout un cimetière en activité (environ 10000 opérations funéraires chaque année) mais c’est également un lieu de mémoire (nombreuses cérémonies commémoratives), un site touristique (nombreux intervenants et visiteurs extérieurs) et un site patrimonial très riche (nombreuses demandes de tournage). Toutes ces facettes font qu’il y a toujours des urgences et imprévus à gérer. La priorité est toujours donnée aux familles endeuillées.

Combien de chats habitent le Père Lachaise ?
Je dirais une vingtaine. Certains sont peu farouches et se laissent approcher mais beaucoup sont très sauvages et se cachent entre les tombes. Ils cohabitent avec les hérissons, fouines et renards.

La scène la plus incroyable que vous ayez vécue au Père Lachaise ?
Je vois le pire comme le meilleur. Il est souvent perturbant qu’une famille endeuillée me remercie en me disant qu’elle est “très heureuse” et s’estime “très chanceuse” suite à l’attribution d’un emplacement au Père Lachaise alors qu’elle vient de perdre un être cher. Il y a un décalage entre ce qu’elle traverse – un moment dramatique – et ce qu’elle exprime à ce moment-là. Toutefois, le moment le plus incroyable a été de rencontrer un renardeau pendant le premier confinement, alors que je déambulais pour aller vérifier une sépulture. Nous étions en plein confinement et malheureusement l’activité funéraire était très forte dans un climat global assez anxiogène. Constater que des renards vivaient et se reproduisaient en plein Paris a fait beaucoup de bien dans une période compliquée car, pour une première fois depuis des semaines, on ne parlait plus des morts du Covid, mais de la vie au sein du cimetière.

Comment vont les renardeaux photographiés en avril 2020 ?
Difficile à dire, dès la fin mai 2020 je n’arrivais plus à les observer, ils étaient devenus bien trop méfiants et rapides ! D’après mes collègues experts en biodiversité, certains ont probablement quitté le Père Lachaise pour coloniser d’autres espaces à Paris ou banlieue. Cette année, je croise des adultes. J’ai réussi à prendre un mâle en photo le 23 avril dernier et il est possible que ce soit un renardeau de 2020.

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