La “Divine” Sarah Bernhardt, actrice tout autant qu’artiste, première “star” internationale, fait l’objet d’une exposition au Petit Palais jusqu’au 27 août 2023, à l’occasion du centenaire de sa mort. Un square porte son nom dans notre 20e arrondissement, près du cours de Vincennes. On revient sur son histoire.

Ce square accueille près de 200 arbres réunissant 50 espèces différentes et plusieurs bâtiments, typiques des années 30, construits en béton rosé et présentant d’élégantes lignes courbes. Le kiosque à musique est orné de décors en mosaïque représentant Orphée sur le mur et des instruments de musique sur le sol. Dans l’angle nord-est du parc se dresse un grand abri dont le sol est revêtu d’une mosaïque représentant des animaux des différents continents. Une fontaine de 33 m de diamètre devait constituer la pièce centrale du square, mais sa structure présente des altérations peu de temps après sa mise en service. Elle est rapidement mise hors d’eau, c’est aujourd’hui une aire de jeux pour enfants.

Au sud-est, s’élève un obélisque dont l’origine semble mystérieuse : il existait déjà sur les photographies de l’inauguration du square en 1936. La délibération du Conseil municipal de Paris du 12 juillet 1934 qui décrit les espaces verts projetés spécifie la fontaine, le kiosque à musique et l’abri de l’angle, mais il n’est fait aucune mention d’un obélisque ou d’une pyramide. Les seules indications fournies actuellement par la Ville de Paris sont les suivantes : « L’obélisque n’est pas sans rappeler celui du square René-Le Gall (13e). Il est typique des années 30». Le square René-Le-Gall a été créé un peu plus tardivement et son obélisque n’est pas en béton, mais en pierres meulières.

Sous le square, l’usine à gaz

Le square Sarah Bernhardt et son voisin le square Réjane ont été aménagés sur un terrain moins verdoyant, où était implantée l’usine à gaz de Saint-Mandé : jusqu’à l’annexion de 1860, la toute petite partie de l’actuel 20e arrondissement située au sud de la rue de Lagny appartenait à la commune de Saint-Mandé.

En 1855, la Compagnie Parisienne du Gaz décide de construire de nouvelles usines à gaz sur des sites à l’extérieur de l’enceinte des fermiers généraux. Elle cherche à limiter les nuisances de cette industrie polluante sur les riverains en s’installant dans des quartiers peu urbanisés. Ainsi, l’usine de Saint-Mandé s’établit le long du cours de Vincennes. Mais l’expansion foncière rattrape rapidement ces implantations. Pour faire face à une demande croissante, les installations de l’usine à gaz s’étendent sur des terrains adjacents : les deux derniers gazomètres sont construits en 1885.

Les conditions de travail des ouvriers gaziers sont extrêmement rudes, les accidents sont nombreux, les brûlures causées par les cokes et goudrons sont les principales causes d’accidents du travail. En 1907, la Société du Gaz de Paris, qui a repris les installations, cherche à améliorer sa rentabilité en fermant progressivement les plus anciennes usines dont fait partie l’usine de Saint-Mandé.

Mais la baisse de production due à la cessation d’activité de ces anciennes installations doit être contrebalancée par l’agrandissement et la modernisation des usines plus récentes. En effet, malgré la concurrence de l’électricité, la consommation de gaz continue à croître à Paris avec le développement de ses utilisations pour le chauffage et la cuisine. Le renouvellement des installations est ralenti par la Première guerre mondiale et ce n’est qu’après l’hiver 1930-1931 que l’usine à gaz de Saint-Mandé peut cesser de fonctionner.

Un nouveau quartier sous le signe du théâtre

Les terrains libérés par la destruction de l’usine à gaz sont rapidement occupés par des logements HBM (Habitations à Bon Marché) et des immeubles ILM (Immeubles à Loyers Modérés). En 1936, les squares Réjane et Sarah-Bernhardt sont inaugurés. En 1937, s’ouvre le premier lycée de Jeunes Filles de l’Est de Paris, le Lycée de Jeunes Filles du Cours de Vincennes, qui va prendre en 1946 le nom de l’aviatrice Hélène Boucher ; son annexe des Maraîchers deviendra en 1961 le lycée Maurice Ravel.

En 1939, c’est le terrain de sport Lagny qui est aménagé. La plupart des nouvelles voies crées en 1934 et 1935 porteront le nom de personnalités théâtrales : Rue Mounet-Sully, Rue Félix Huguenet, Rue Lucien Guitry : en 1969, le nom de son fils Sacha Guitry, Square Got et Allée Marie Laurent. En donnant des noms de célébrités théâtrales aux nouvelles voies du quartier, la présence de vastes terrains occupés par des usines à gaz, l’une des industries les plus insalubres qu’ait connu Paris, a été gommée des mémoires. Beaucoup plus tard, en 2022, une allée à l’intérieur du square Sarah Bernhardt prendra le nom de Louise Abbéma, peintre et graveuse française, amie de Sarah Bernhardt.

 

> L’intégralité de l’article “Le square Sarah Bernhardt sur une usine à gaz” est à lire sur le site de l’AHAV, l’association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris. 

Le square Sarah Bernhardt – le kiosque à musique derrière les arbres – VV


Le square Sarah Bernhardt – l’obélisque – VV

Une des entrées du square. Creative Commons / Wikipedia

——————

À lire aussi :

Au 19e siècle, l’histoire des premiers tramways dans le 20e arrondissement de Paris

Maison commune : la petite histoire de la Mairie du 20e

Une thèse sur l’histoire du quartier Réunion (“entre Charonne et Paris”) récompensée d’un prix

La petite histoire du Bureau central des Postes, rue des Pyrénées