Il y a trois ans jour pour jour – ou presque –, je posais mes valises rue Pelleport dans le 20e arrondissement de Paris. Il m’a fallu du temps avant de m’intéresser aux passés pluriels de ma rue. Entre vie de château, faubourg malfamé et lieu de Résistance, la rue Pelleport a pourtant bien des histoires à nous raconter.

Tracée au XVIIe siècle, la rue Pelleport était successivement connue sous le nom de rue de Belleville, rue de Charonne ou encore route départementale 40. Depuis 1868, son nom rend hommage au général et vicomte Pierre de Pelleport, qui la défendit – entre autres – lors de la campagne de France menée par Napoléon Ier en 1814. Frontière entre les quartiers Père-Lachaise et Saint-Fargeau, la rue Pelleport s’étire sur 1,6 kilomètre et compte 208 numéros dont certains ont abrité des épisodes marquants de l’histoire de Paris. 

N°65 – Résistance souterraine

En 9 octobre 1941, les polices française et allemande se présentent à la station de métro Pelleport. Ils viennent arrêter le chef-surveillant de la station Lucien Noël, dénoncé par un proche pour ses activités de résistance. Un an auparavant, ce dernier fonde le mouvement « France libre » sous le pseudonyme Jacques Gaudremanche. Avec quatre autres membres du mouvement, Lucien Noël est torturé et fusillé au Mont-Valérien à l’âge de 42 ans, quelques mois après son arrestation. À la fin de la guerre, une plaque commémorative est installée dans la station de métro Pelleport, en hommage à son action dans la Résistance.

N°91 – Bombardement allemand 

Lors de la Première Guerre mondiale, les forces allemandes vont mettre à profit leur arsenal aérien pour bombarder Paris et la banlieue parisienne. Si la Capitale n’est pas un enjeu stratégique en soi, elle est surtout le symbole d’une bataille psychologique menée par l’armée germanique pour affaiblir le moral des troupes françaises. Pendant quatre années, des centaines de bombes sont ainsi lâchées sur la ville. Le dernier raid d’avions recensé a lieu le 15 septembre 1918 et détruit notamment le bâtiment situé au 91 rue Pelleport.

Source du visuel

N°128 – Vie de château 

Entre les actuels boulevard Mortier et rues du Surmelin, Pelleport, de Belleville, s’étendait le le vaste parc de Ménilmontant – le plus grand de la colline. Appartenant d’abord à Pomponne de Bellièvre – Premier Président du Parlement de Paris, le domaine passe entre plusieurs paires de mains avant d’être acquis par Michel Le Pelletier, seigneur de Saint-Fargeau à la fin du XVIIe siècle. Il y fait construire un second château aux côtés de l’ancien et aménage l’immense parc à grands coups de jardins à la française, bassins, champs de culture. Jusqu’à sa démolition au début du XIXe siècle, l’entrée du château de Ménilmontant se fait depuis l’actuel numéro 128 de la rue Pelleport, dont il ne reste plus aucune trace aujourd’hui.  

N°130 – Clocher disparu

D’abord simple chapelle construite en 1898, Notre-Dame des Lourdes est démolie une dizaine d’années plus tard pour faire place à une église portant le même nom. Son clocher se dresse alors entre les numéros 116 et 124 de la rue Pelleport. Dans les années 70, l’archevêché prend la décision de vendre le terrain. Un promoteur immobilier y construit des immeubles à la place. L’église Notre-Dame des Lourdes – celle que les habitants du quartier connaissent aujourd’hui, est ré-installée dans les années 80 au rez-de-chaussée de l’immeuble situé au 130 rue Pelleport.

Source du visuel (vue du clocher au loin)

N°136 bis – Drôle de club 

Dans Paris est une fête, Ernest Hemingway raconte qu’il se rend dans “un coin dangereux, mais facilement accessible” de Paris, pour assister au premier combat en France du boxeur canadien Larry Gains. La rencontre se déroule au Bal du Stade Anastasie, situé à l’actuel numéro 136 bis de la rue Pelleport. 

Le lieu est une “sorte de restaurant-dancing, avec quelques chambres à l’étage, situé sur un terrain vague planté d’arbres et clos par un mur d’enceinte”. À la fois salle d’entraînement et ring de combat, le Stade Anastasie sert également aux visiteurs de quoi bien boire et bien manger à prix raisonnables. Aujourd’hui, en passant devant le 136 bis, rien ne laisse présager l’existence d’un club de boxe à cette adresse il y a un siècle.

Charlène Gilouppe
charlene.gilouppe@gmail.com

Sources :
1/Pour un Maitron des Fusillés et Exécutés et Compte rendu de l’arrestation du résistant Lucien Noël, chef surveillant de la station Pelleport
2/ Excelsior, édition du mercredi 08 janvier 1919
3/ Vie et histoire du XXe arrondissement – Hervé Manéglier – Edité par Editions Hervas (1995)
4/  Paris, 20e arrondissement – Thierry Halay – Édité par Parimagine (2006)

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