Lieu d’éducation populaire dans le quartier Pelleport-Télégraphe-Saint-Fargeau dans le 20e arrondissement de Paris, la MJC des Hauts de Belleville pourrait disparaître cette année, après plus de 65 ans d’ancrage social dans le quartier. On fait le point sur la situation.

1/ De quel lieu s’agit-il ? La Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) des Hauts de Belleville, située au 43 Rue du Borrégo dans le 20e arrondissement, rassemble plus de 1 000 habitants, 20 associations et des troupes de théâtre amateur. Officiellement née en 1962, la structure a muté au gré du temps. Désormais, on y trouve pas seulement des activités pour les adultes ou les enfants, mais aussi un bar-café ouvert sur la rue du Borrégo, un gymnase rénové, mais aussi des espaces disponibles à la location comme des studios de musique et de danse équipés, ainsi qu’un terrain d’urban soccer.

2/ Quelle est sa singularité ? Dernière MJC sous statut associatif, elle est également l’alliance originale d’un Foyer de Jeunes Travailleurs (FJT) et d’une Maison des Jeunes et de la Culture (MJC). Depuis 1962, elle ne se contente pas d’accueillir les pratiques sportives et culturelles du quartier, mais se veut être un vecteur de lien social. Régulièrement, la MJC organise des brunchs où les produits sont fournis par une AMAP, et propose des paniers végétariens à un prix fourchette de 5 à 10 euros, en fonction de ce que chacun peut donner. Des bénévoles viennent cuisiner et rencontrent des personnes âgées seules, des familles ou encore des jeunes du foyer.

3/ Pourquoi la MJC pourrait-elle disparaître ? La MJC rencontre des difficultés financières depuis cinq ans. Le rapport de gestion de 2023 indique un déficit structurel d’environ 250 000 € par an lié à l’engagement d’importants travaux de rénovation des locaux qui ont coûté à la MJC 1,7 millions d’euros en fonds propres en 2019. Année depuis laquelle le loyer a été multiplié par 4, suivie de la crise sanitaire en 2020, qui a sonné la baisse drastique des ressources de la MJC. Plus récemment, l’explosion des coûts de l’énergie a aggravé la situation financière de la structure. Pour se faire une idée, en 2022, le coût des charges (gaz, eaux et électricité) représentait 77 884 €. En 2024, ce poste a augmenté de 73 680 €, soit environ de 50 %. Aujourd’hui, la situation est critique : le bailleur exige au mieux le remboursement immédiat de la totalité de la dette – élevée à plus de 500 000 € -, au pire la reprise du paiement de loyer avec échelonnage ultérieur de la dette. Le bailleur Antin Résidences a pris la décision d’assigner la MJC en justice, dont la date d’audience est fixée au 30 septembre. Cette procédure pourrait déboucher sur une mise en redressement judiciaire.

4/ Quelles solutions existent à ce jour ? Proposées conjointement par les responsables de la MJC et certains élus du 20e arrondissement, des solutions permettraient au lieu historique de maintenir ses activités. Parmi elles ; une augmentation des subventions de fonctionnement de la ville de Paris en dehors de celles portant sur la jeunesse (social, ESS ou culture) ; l’obtention d’une subvention exceptionnelle d’urgence, un accompagnement des équipes de la MJC, l’obtention d’un agrément de centre social qui reconnaîtrait leurs actions sociales et pérenniserait leur fonctionnement ; la réduction du loyer validée par le bailleur ou encore, la municipalisation de la structure.

5/ La MJC bénéficie-t-elle d’argent public ? Oui, mais pas assez. La MJC des Hauts de Belleville regrette que le soutien déclaré de la Ville de Paris ne se soit pas encore traduit par un soutien financier conséquent. Actuellement, la ville de Paris contribue à hauteur de 85 500 €, ce qui représente 7 % du budget de la structure. Ce financement institutionnel, constant depuis trente ans, est jugé insuffisant au vu des missions de service public assurées par la structure (accueil de jour inconditionnel, foyer de jeunes travailleurs, activités sportives et culturelles à destination des enfants et adolescents du quartier). En juillet 2024, un vœu de soutien a été adopté au Conseil de Paris (soutenu par la majorité des partis politiques) mais la subvention derrière n’a pas été accordée… à un vote près. Une avancée en demi-teinte vécue comme un revers par la MJC. Depuis, la structure est dans l’attente d’une réponse définitive.

6/ Quelle est la position de la mairie sur ce dossier ? “Les conditions d’attribution ne semblaient pas être réunies lors du dernier Conseil de Paris notamment du fait de la procédure d’alerte déclenchée par le Commissaire aux comptes”, justifie Eric Pliez, maire du 20e arrondissement, qui n’est pas opposé à déployer des moyens pour sauver la structure. “Il nous semble indispensable qu’un équipement jeunesse puisse œuvrer dans ce quartier. Cependant, la dette de l’association s’élève à près d’1 million d’euros. Les difficultés sont structurelles et nécessitent de réinterroger le modèle économique et les activités de la MJC. Un soutien financier exceptionnel de la Ville ne pourrait se faire que sur ce projet revisité”, ajoute-t-il.

“Nous comprenons l’inquiétude que suscite cette attente. Mais une telle subvention d’urgence – 250 000 euros en plus des subventions habituelles – nécessite un temps d’étude”, complète Jacques Baudrier, ​​adjoint à la maire de Paris en charge du logement et de la transition écologique du bâti, et élu du 20ᵉ arrondissement. Par ailleurs, la Mairie de Paris a soumis une autre alternative : une aide financière pérenne, à la condition de convertir le lieu, séparé alors du foyer des jeunes travailleurs, en un Centre Paris Anim’, qui ce qui municipaliserait le lieu, tandis que son animation serait attribuée à une autre structure associative via une procédure de marché public. Qui dit Centre Paris Anim’, dit fin de l’autonomie de la MJC mais également plus d’activités marchandes, qui sont, selon les membres et usagers historiques, un contre-sens à l’esprit et l’essence sociale du lieu.

7/ Comment soutenir le lieu ? En adhérant à la structure  (adhésion de soutien à partir de 15 €) et en participant aux activités proposées – brunchs, jam sessions, sorties – ou en louant les espaces dédiés pour vos événements ou réunions.

Victoire Radenne


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