Le 16 septembre dernier, à Téhéran, Masha Amini, 22 ans, meurt, trois jours après son arrestation par la police des mœurs pour “non-respect du code vestimentaire”. Quatre mois plus tard, la contestation qui s’en est suivie est durement réprimée, avec de nombreuses condamnations à mort, par pendaison. Comment les Iraniens de France vivent-ils cette situation ? Rencontre avec deux d’entre eux, installés dans le 20e arrondissement. 

Nataniel, 33 ans, vit à Alexandre Dumas. Né en Iran, il y vit jusqu’en 2009, année d’élection présidentielle et de manifestations du “mouvement vert”. Arrêté, il passera 14 jours en prison, avant d’être relâché et convoqué au tribunal islamique. Comprenant que sa vie est menacée (il sera condamné à une vingtaine d’années de prison, sa mère perdra sa maison), il traverse avec un faux passeport la frontière turque, prend un vol pour Istanbul, avant de rejoindre la Grèce, l’Italie et d’arriver en France. 

“Je voulais rejoindre l’Angleterre, mais j’étais trop fatigué, je dormais dans la rue à Jaurès, et je n’avais plus d’argent pour financer le voyage”. Pendant 7 ans, Nataniel se bat pour obtenir son statut de réfugié, travaillant au black dans la restauration et le bâtiment. Désormais, il a créé son entreprise, dans l’importation d’instruments de musique. 

“J’ai un boulot, un logement, mais j’ai perdu ma famille. Je suis enfant unique, pour mes parents, c’est terrible. Surtout que mon père est interdit de sortie du pays”. Faire bouger les choses, c’est l’un des objectifs du collectif Femme Azadi, dont il fait partie. “On organise des manifs, on sensibilise, mais désormais, il faut des actions politiques fortes, comme suspendre les visas et geler les avoirs, comme on l’a fait avec la Russie”. 

Anahita, vit dans le quartier Réunion, avec son mari et leur fils. Née en Iran, elle est venue en France rejoindre son père qui y terminait un doctorat. Suite à la révolution islamique de 1979, sa famille n’a pu retourner vivre en Iran, son père étant considéré comme opposant politique. “J’ai toujours été opposée à tout ce qui se passait en Iran, mais jusqu’ici, je ne m’étais jamais vraiment mobilisée. D’abord, car il y avait peu de manifestations en France, ensuite car les réseaux sociaux ont tout changé”, explique-t-elle.

“On voit directement ce qui se passe sur place, sans que cela ne passe par les médias. Cela semble si loin et si proche à la fois. On ne peut pas rester insensible”. Depuis octobre, cette formatrice en alphabétisation manifeste presque chaque semaine. “Cela me semble important que les Iraniens puissent savoir qu’à l’extérieur, nous sommes mobilisés et qu’ils sont soutenus. C’est nécessaire si on veut espérer un grand changement dans le pays. Je voudrais pouvoir être optimiste.”

Manifestation en soutien au peuple iranien 15 janvier 2023 au Trocadéro à Paris

Le 18 décembre 2022, marche à Neauphle-le-Château en soutien à la révolution iranienne

Photos : Anahita Avalos

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