On poursuit notre série de portraits de jeunes rencontrés à la MJC Les Hauts de Belleville. Sauf que cette fois, on les a mobilisés pour réaliser eux-mêmes les interviews et faire des photos (encadrés par la photographe Gaëlle Guse). On débute avec Sayed, 28 ans, qui a fui l’Afghanistan et qui vit en France depuis maintenant 6 ans. 

Arrivé seul à Paris en septembre 2019, Sayed a passé un mois et demi à la rue, à dormir sous une tente, avant d’être pris en charge par des associations. Cette solitude, il l’a doit à sa majorité. Alors âgé de 20 ans, il n’a pas pu bénéficier du regroupement familial pour rejoindre sa famille – ses parents et petits frères et sœurs – qui ont eux trouvé refuge en Suède. Les foyers se succéderont de Nanterre à Clamart, en passant par Fontainebleau. 

Sayed ne parle alors pas français, seulement l’anglais, et se surprend à marcher sur des trottoirs, qui lui étaient jusqu’ici inconnus. Le choc culturel est total. “Tant que je n’avais pas de carte de séjour, je ne pouvais ni travailler ni faire d’études, seulement apprendre la langue française. Pour m’intégrer au plus vite, j’ai passé tout mon temps, comme une “bête de concours” à la bibliothèque de la Porte de la Villette à retenir du vocabulaire et de la grammaire sur mon portable”, se souvient-il. 

En janvier 2021, Sayed est reconnu comme un réfugié. En une semaine, il se trouve un travail dans le bâtiment, puis officie comme manutentionnaire dans un entrepôt Amazon en Seine-et-Marne. Mais, il préfèrerait apprendre un métier. Passionné de mécanique depuis l’enfance, il se cherche une formation en apprentissage et un patron pour l’accompagner. “En sortant du boulot, j’allais faire le tour des garages d’Ile-de-France, j’ai déposé 40 à 45 CV avant d’être finalement accepté dans un garage Renault à Charenton-le-Pont (94)

Élève sérieux et rigoureux, Sayed décroche son bac pro mécanicien automobile, mention très bien et signe un CDI en 2024 dans le même garage. “J’ai eu plus de mal par contre à décrocher mon permis, j’ai dû m’y prendre à plusieurs reprises, et j’ai perdu beaucoup d’argent là-dedans !”. Mais l’essentiel est ailleurs, notamment dans les moments passés avec ses copains/voisins du Foyer de Jeunes Travailleurs où il réside, au sein de la MJC Les hauts de Belleville, dans le 20e arrondissement de Paris. 

“On se fait des piques-niques l’été tous ensemble, des footings aussi.. J’aime aussi aller au cinéma et à la salle de sport”. Une vie des plus normales quand on a la vingtaine à Paris. Que se souhaite-t-il pour l’avenir ? D’abord, de gravir les échelons chez Renault, puis de se trouver un logement, et un jour, pourquoi pas, de fonder une famille. Le week-end, Sayed se porte volontaire pour assurer des distributions alimentaires, à Barbès, avec l’Armée du Salut. Un dispositif dont il a bénéficié à son arrivée… et dont il est fier aujourd’hui de pouvoir rendre la pareille.

Photos noir & blanc : Gaëlle Guse
Photos couleur : Cristian
Photos backstage : Cristian & Mohamed
Interview : Ryan

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