Aller à la rencontre de la jeunesse, tel est l’objectif de cette série de portraits réalisée dans un foyer de jeunes travailleurs du 20e arrondissement. Parmi les 87 résidentes et résidents, Seyba, 24 ans, nous a ouvert la porte de son studio.

Son récit, qui peine à sortir, est celui d’un exil que l’on devine douloureux. L’histoire d’un enfant qui a grandi trop vite. C’est en 2014, alors âgé de 15 ans, que Seyba quitte un matin, son village et sa famille, sans prévenir personne. Il laisse derrière lui la région de Kayes, dans l’Ouest du Mali, pour rejoindre des amis d’enfance à Bamako. Puis, pour entreprendre un voyage vers la Libye, où vit l’un de ses grands frères.

Au service de familles libyennes, il travaillera comme jardinier et dans l’élevage de moutons, passera 21 jours en prison (à cause de l’illégalité de son statut), avant que son employeur ne puisse le faire libérer. Mais la Libye n’est qu’une étape de quelques mois pour ce jeune qui rêve d’Europe. Au point de risquer sa vie pour y parvenir. Après avoir versé 1200 dinars libyens (228 €) à un passeur, il monte en septembre 2014, avec une centaine de personnes, à bord d’une embarcation. Objectif : traverser la Méditerranée.

Une vingtaine d’heures interminables, pendant lesquelles les passagers écopaient l’eau qui entrait. Il ne restait plus qu’un bidon d’essence avant que la Croix-Rouge italienne ne parvienne à les secourir. Lui et ses compagnons d’exil passeront 3 jours en mer, à chercher d’autres embarcations, avant de débarquer sur l’île de Lampedusa. Enregistré comme mineur, Seyba restera là-bas pendant deux mois, logé à l’hôtel. Le souvenir qu’il lui en reste ? Avoir dévoré les meilleures pâtes de sa vie, au fromage.

Après une escale par Bologne, l’adolescent décide de rejoindre la France, dont il parle la langue. “En juin 2015, je suis monté directement dans un bus qui m’a conduit jusqu’à la gare routière de Gallieni, au bout de la ligne 3”, nous explique-t-il. Comme quoi le 20e arrondissement lui était prédestiné. À son arrivée, il contacte des connaissances en France et parvient à obtenir une place dans un foyer au Bourget, et à rejoindre une classe d’accueil.

La suite de l’histoire est celle d’une intégration professionnelle réussie. Seyba décroche d’abord un CAP électricien, puis un Bac Pro, et un titre de séjour. Il réalise un apprentissage dans un grand groupe du BTP, avant de signer en 2021 un CDI dans le ferroviaire. Chaque nuit de 22h à 6h, il pose du matériel nécessaire à l’automatisation de la ligne E du RER. Sur ses jours de repos, comme les jeunes de son âge, il aime jouer à la Play et au foot, à Pantin. Le rêve qu’il lui reste à accomplir ? Quitter le foyer de jeunes travailleurs pour avoir son propre appartement. Petit frère est devenu grand.

Photos : les clichés sont signées Gaëlle Guse, une photographe spécialisée dans le portrait, qui vit dans le 20e arrondissement de Paris.

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