Le collectif Droit au logement (DAL) de la résidence du 61 de la place de la Réunion, redoute la transformation d’appartements en coliving. Ce système d’habitat partagé, consiste à louer les chambres d’un appartement de façon indépendante, tout en proposant des espaces partagés (salon, cuisine, terrasse…). Ce qui permet de maximiser les profits. 

 

“A louer ici, un rez-de-chaussée de 26 m2 de 1800 euros par mois, qui dit mieux ?”. Cette banderole a été mise en place début avril par le collectif DAL de la résidence du 61 place de la Réunion, afin de dénoncer les nouveaux loyers proposés. Les résidents ont vu des travaux débuter au sein de l’immeuble pour accueillir des espaces de coliving. C’est-à-dire, des espaces partagés par plusieurs personnes dans un même appartement.

Le coliving, nouvelle poule aux œufs d’or ?

Concrètement, le propriétaire ne loue plus un appartement, mais plusieurs chambres individuellement. « La seule raison à cela est de se faire un maximum d’argent », affirme Colette, autre membre du collectif. Plusieurs loyers au lieu d’un. Ce style d’habitat vient des Etats-Unis, Xavier Niel est l’un des premiers à avoir flairé l’affaire, en faisant construire la résidence “Flatmates” à Ivry-sur-Seine (93). Un immeuble comprenant 100 appartements meublés, avec six chambres dans chacun d’eux, pouvant accueillir jusqu’à 600 personnes au total. 

Ce type d’habitation est dédié aux jeunes actifs et aux cadres venant de l’étranger. « C’est l’une de nos craintes qu’à force, les riverains soient chassés du quartier. Nous sommes plus que six personnes dans la résidence et à terme, on a peur d’être virés de chez nous », s’inquiète Patricia. Elle poursuit : « La partie coliving est beaucoup plus neuve et entretenue que celle des résidents annuels. Les interphones avec des caméras pour les nouveaux appartements fonctionnent vraiment, les nôtres non ». 

Des pressions sur le collectif

« Nous avons essayé de discuter directement avec le propriétaire. C’est lui qui a dit qu’il allait entreprendre des travaux pour le coliving ». Certains locataires estiment que des pressions ont été réalisées pour les faire partir. “Mon colocataire n’a pas pu être remplacé sur le bail et je dois payer maintenant 1300 euros, toute seule, si je veux rester. Cela va devenir presque impossible”, explique une habitante.

De plus, les riverains émettent des doutes quant à la validité du nouveau projet : “les espaces, sont-ils réglementaires ?” “Un rez-de-chaussée à 1800 euros avec une chambre en sous-sol, respecte-t-il l’encadrement des loyers ?”. (A priori, le coliving s’apparenterait plus à une résidence hôtelière ne serait pas soumis à la loi sur l’encadrement des loyers, en vigueur à Paris). Après quelques jours d’affichage, la banderole a été déposée, par crainte de se la faire voler et parce qu’un rendez-vous en mairie était prévu ce mardi. 

Qui se cache derrière ce coliving ?

Créée en 2017 à Berlin, la société Habyt propose des coliving dans 17 villes à travers l’Europe, comme Barcelone, Madrid, Amsterdam ou Lisbonne. Pourquoi un loyer aussi cher, lui a-t-on demandé ? Réponse : la société s’occupe de pratiquement tout. De la recherche d’habitation, à l’administratif en passant par l’installation du wifi, les meubles, les draps, sèche-cheveux, la maintenance… “Vous ne louez pas seulement une chambre, mais vous vivez une expérience complète”, nous a même écrit Habyt.

Leur clientèle ? “De jeunes professionnels âgés de 20 à 35 ans”, précise l’entreprise. De jeunes actifs qui ont les moyens de payer plus de 1000 € par mois une chambre, ajouterons-nous. A Paris, les offres visibles en ligne varient de 975 euros à 1800 euros, pour une chambre. Auxquels, il faut ajouter des frais d’adhésion de 200 €. Et la banderole dans tout ça ? Habyt s’en étonne et rétorque que “le coliving comme une possibilité d’accès au logement pour les jeunes”.

Capture d’écran de l’annonce de l’appartement © Habyt 

 

Une précédente banderole visait Airbnb

Cet immeuble n’est pas n’importe quel immeuble du 20e. Il s’agit d’un endroit emblématique du quartier, car au début des années 2000, l’ancien hôtel a brûlé et a fait plusieurs victimes. C’est là que des collectifs ont émergé pour défendre le droit au logement (on vous en parlait ici). Les premiers locataires sont arrivés en 2005, puis les autres ont suivi les mois et les années suivantes. La résidence comptait 11 appartements au départ puis au fil du temps leur nombre s’est réduit à neuf. Pourquoi ce changement ? Le phénomène AirBnb est apparu en 2008. Le propriétaire a décidé de ne pas prolonger certains locataires pour créer des appartements dédiés à la location courte durée. Bien plus lucrative. 

Accrochée en 2019, une première banderole dénonçant les nuisances générées par les locations Airbnb. “Plusieurs fêtes ont été organisées par des personnes de passage et ont provoqué les premières tensions entre nous et le propriétaire”, précise Patricia (nom d’emprunt) l’une des locataires. Après une enquête initiée par la mairie de Paris, suite à l’effervescence sur les réseaux sociaux, le propriétaire s’est excusé et a stoppé les locations Airbnb. 

Un nouveau règlement intérieur pour (tenter de) rassurer les locataires 

L’agence La Tour immobilier – qui a en charge la gérance des locations classiques et non du coliving – nous explique qu’elle veut rassurer les locataires, maintenir le dialogue et mettre en place un règlement intérieur pour maintenir une bonne cohabitation entre le coliving et le reste de la résidence. Igor Cammas, directeur juridique du groupe précise que “Les locataires pourront rester aussi longtemps qu’il le souhaite. Il n’existe que certains motifs pour qu’un propriétaire récupère un bien comme la vente de l’appartement ou le fait qu’il le récupère pour lui”. Après rien ne dit que si les gens finissent par partir d’eux-mêmes, les appartements restants ne seront pas, à leur tour, transformés en coliving…

 

 

Texte : Thibault JULIEN  

Photos : le collectif DAL de la résidence

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