Depuis la fin du 19e siècle, et surtout quand il fait chaud l’été à Paris, nous pouvons boire gratuitement de l’eau près du lieu où nous trouvons, grâce au mécène Richard Wallace (enterré au cimetière du Père Lachaise) qui a financé les premières fontaines potables, gratuites et accessibles à tous. Une histoire que nous retrace l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris (AHAV).
Ces 120 fontaines qui font partie de l’identité de la capitale en tant que mobilier urbain. Neuf d’entre elles se trouvent dans notre arrondissement. On doit ces fontaines à la générosité d’un londonien, Richard Wallace, député conservateur anglais par la suite, mais auparavant bien parisien y compris dans l’âme. Son souvenir en tant que bienfaiteur reste “definitely” gravé dans notre ville.
Richard Wallace amoureux de Paris
Élevé à Paris à l’âge de 6 ans par sa grand-mère, il est venu ici avec son père naturel, le marquis d’Hertford, qui lui léguera en mourant (le 25 août 1870) son immense fortune. Richard Wallace épouse une française, Mlle de Castelnau, et leur fils ira combattre dans les rangs français, avant de démissionner après la répression de la Commune. Quant à sa générosité, elle est multiple, incessante et d’un niveau élevé. Citons dès avril 1870, la création d’un hôpital de l’avenue de Neuilly qui porte le nom de son père. Et la liste de ses dons va régulièrement s’allonger dans les années qui suivent.
À Paris pendant la Commune
Pendant le siège de Paris puis la Commune, et contrairement à la bourgeoisie qui fuit, Richard Wallace non seulement reste à Paris mais va aider les parisiens dans leur quotidien. Il finance notamment la Société internationale des secours aux blessés, en leur donnant 3oo ooo francs pour acheter une ambulance urbaine portant le nom de son père, et une autre ambulance qui suivra le 13e corps d’armée.
Après l’armistice, la ville de Londres lui confie la distribution du ravitaillement qu’elle expédie pour les Parisiens. En reconnaissance de l’ensemble de ses services, la reine d’Angleterre l’élève au rang de baronnet le 24 décembre 1871. De son côté, dès le 16 juin 1871, le gouvernement français l’a nommé commandeur de la Légion d’honneur. Par ailleurs à l’occasion de l’exposition universelle, Richard Wallace – collectionneur et marchand d’art – est nommé par l’Angleterre en 1878, correspondant de l’Institut de France, en lien avec l’Académie des beaux-arts.
À l’origine des fontaines
Mais revenons à 1871. À la fin du siège de Paris et de la Commune, certains aqueducs sont détruits, avec comme conséquence le prix de l’eau qui flambe brutalement. En urgence dès septembre 1871, Richard Wallace propose à la Ville de Paris de l’eau gratuite à toute heure et pour tous les habitants. Il demande l’autorisation d’installer à ses frais 50 fontaines aux endroits que la Ville aura choisis. La canalisation sera à la charge de la Ville et le choix des lieux se fera finalement d’un commun accord, avec l’eau de la Dhuys pour alimenter ces fontaines.
La création et la mise en place des fontaines
La première fontaine est inaugurée en août 1872, sur la place du Combat, boulevard de la Villette. Haute de 2,71 m pour un poids en fonte de 610 kg, la fontaine est composée de 80 pièces assemblées dans les ateliers. Les croquis ont été dessinés par les soins du bienfaiteur, en s’inspirant de la fontaine des Innocents, dans le quartier des Halles. S’y ajoutent deux gobelets en étain retenus par des chaînettes, gobelets qui seront finalement supprimés en 1952 par mesure d’hygiène.
Du point de vue esthétique, l‘originalité de cet édifice inspire les parisiens au point de lui donner comme surnom populaire : “la brasserie des quatre femmes”. Ces quatre cariatides représentent quatre vertus : simplicité, bonté, charité et… sobriété. Elles rappellent aussi les quatre saisons, pour souligner la mise à disposition d’une eau potable disponible à tout moment de l’année.
Une couleur unique est imposée, comme tout le mobilier urbain depuis Napoléon III : il s’agit d’un vert profond destiné à s’insérer dans le paysage, la couleur de la nature dans la ville. Le temps a passé et actuellement quelques fontaines parisiennes ont changé de couleur. Celle de la rue Belgrand tout près de la mairie, est peinte en rouge depuis novembre 2019, tout comme antérieurement celle de l’avenue d’Ivry dans le 13e arrondissement.
Richard Wallace au Père Lachaise
Le 23 juillet 1890, jour de son enterrement au Père Lachaise, le journal La Souveraineté Nationale décrivait ainsi cette personnalité discrète qu’était Richard Wallace : « il comprit (et c’est à son honneur) que ceux que la fortune favorise doivent en restituer aux victimes du hasard inégal ».
Son enterrement a eu lieu avec une certaine simplicité, à la suite de sa demande répétée de son vivant. Sa volonté a ainsi été respectée et un corbillard de troisième classe suivi de six voitures de deuil sont partis depuis sa propriété, le château de Bagatelle, jusqu’au cimetière du Père Lachaise. Il est inhumé dans sa sépulture de famille à l’entrée sommairement murée.
>> Retrouver l’article “Les fontaines Wallace, un Paris réussi”, sur le site de l’AHAV, l’association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris.
Les fontaines Wallace dans le 20e arrondissement : place Octave Chanute, place Edith Piaf, 6 rue Belgrand (fontaine rouge !), 66 rue d’Avron, place Maurice Chevalier, 29 boulevard de Ménilmontant, rue des Mûriers/rue des partants, rue Piat (face au square Alexandre-Luquet), square Notre-Dame-de-la Croix.
La fontaine Wallace colorée du 6 rue Belgrand, face au MK2 Gambetta
La fontaine Wallace de la place Octave Chanute
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