Âgés de trois à quatre ans, ces petits Parisiens n’ont pas besoin d’emprunter la voiture ou les transports pour prendre leur dose de nature. Une matinée par semaine, ils quittent leur école du 20e arrondissement de Paris et marchent 10 minutes pour rejoindre une friche – le TEP Ménilmontant – située face au cimetière du Père-Lachaise. Là, une zone boisée d’arbustes, les buddleias, prend des allures de forêt enchantée.

Ce projet de classe en extérieur, qui a commencé à beaucoup se développer après le Covid, a été adopté depuis deux ans par leur maîtresse, Bénédicte. Sa classe de maternelle, cette année, comprend quatre “petite section”,et douze “moyens”. C’est dehors, en pleine nature, que Bénédicte trouve ces élèves les plus épanouis. “L’an dernier, j’avais une classe difficile, mais la petite forêt a permis une cohésion de groupe plus forte. Certains se retrouvaient à coopérer pour déplacer une souche par exemple”. 

Chaque séance démarre de la même manière. Une fois l’espace de jeu délimité par des cordes, une grande bâche est installée sur le sol, symbolisant un petit campement éphémère. Les élèves s’y assoient et on débute en écoutant pendant une ou deux minutes le bruit environnant. Marcel a entendu le vent dans les arbres, Olga le bruit des voitures, Jana un oiseau, Harouna le cri du coq, Ariella des travaux, Ibrahim une ambulance. 

Après un exercice pour apprendre à identifier différents éléments dans la nature (une souche, une branche, une jonquille, un caillou), place au jeu libre qui permet aux enfants de découvrir par eux-même leur environnement, d’interagir, de coopérer et de faire fonctionner leur imagination. Ça creuse, ça crie, ça saute, ça court, ça balaie le sol, empile des briques, joue avec des bâtons, cherche des insectes sur un mur… 

Quel intérêt pour les enfants ? La classe en extérieur permet de compenser l’absence de nature dans un quotidien très urbanisé. “Les premières fois, certains enfants se retrouvaient angoissés, ne quittaient pas la bâche, et avaient du mal à évoluer sur le terrain bosselé”, se souvient Bénédicte. La fois d’après, le talus en question ne posait plus problème, l’enfant progressant en motricité. Ce n’est pas tout : l’école dehors permet de gagner en créativité​, en autonomie, et rend l’apprentissage plus efficace grâce au cadre stimulant (les connaissances s’ancrent mieux dans la mémoire​ quand elles passent par différents canaux sensoriels). De plus, “les enfants sont moins malades”, constate la maîtresse. 

Et les parents dans tout ça ? Il faut en réquisitionner deux, une matinée par semaine, pour accompagner la petite troupe, en complément de l’Asem* de la classe, Véronique. Ce jour-là, c’est une maman et un papa, Fatoumata et Mathieu, qui se sont portés volontaires. Tous deux saluent l’enthousiasme de leur enfant à venir à l’école, pour “jouer dans la petite forêt”. “Mon fils fait de gros progrès dans l’apprentissage du langage”, nous confie cette maman. “Il faut juste bien penser à les équiper de bottes et à plus les couvrir l’hiver”. Car, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, la sortie a lieu. “On reste un peu moins longtemps si besoin, et on se change en rentrant”, précise Bénédicte. 

À la fin de la séance, retour sur la bâche, pour le petit rituel de clôture : dire ce qu’on a aimé faire aujourd’hui. “Faire des farces”. “Commencer une cabane”. “Sauter d’une souche à l’autre, en évitant de tomber dans la lave sinon on perd des points“. Le chemin du retour vers l’école est là encore un prétexte pour observer. Un arbre en fleurs par-ci, les chiffres de la rue, par là. Preuve que l’apprentissage est possible partout, constamment. À qui sait être là pour l’initier. 

* Agents spécialisé des écoles maternelles


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Reportage photo d’Emmanuelle Lefrançois Caballero (Madame Lou Paris). Photographe de profession et parent d’élève élue dans cette école depuis 6 ans, elle a accompagné bénévolement la maîtresse Benedicte sur deux de ses projets à sa demande pour en réaliser des clichés, que nous vous partageons ci-dessous.

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