En hommage à Idir (décédé en 2020 et inhumé au Père-Lchaise), le Conseil d’arrondissement a voté le 29 novembre dernier la dénomination d’un « square Idir » à Ménilmontant. L’histoire de ce chanteur s’inscrit dans celle d’une communauté venue de Kabylie, comme nous l’explique l’Association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris.

Nous poursuivons notre enquête sur les kabyles et le 20e arrondissement en prenant connaissance de leur arrivée en France au XXe siècle. À l’origine de leur venue, la guerre et le manque de main-d’œuvre. Les autorités françaises vont alors se tourner vers leur recrutement depuis les colonies. En ce début de XXe siècle, le besoin de main d’œuvre amène de plus en plus de Kabyles à venir travailler en France. En 1912, selon une enquête nationaleprès de 10 000 Kabyles résident principalement à Marseille, Clermont-Ferrand, Paris et dans le bassin houiller du Pas-de-Calais.

La Grande Guerre et l’arrivée de main d’œuvre coloniale

Depuis août 1914, la France est en état de siège et dès ce moment, la pénurie de main-d’œuvre masculine nationale s’impose aux autorités françaises comme un des problèmes les plus aigus. La féminisation du marché du travail et le nombre relativement faible des prisonniers de guerre s’avèrent insuffisants, si bien que le recours aux travailleurs étrangers, coloniaux et chinois leur apparaît une solution nécessaire. Si les flux de travailleurs dits « libres » ne sont pas négligeables, en réalité la très grande majorité des étrangers et des coloniaux sont recrutés par l’État français.

Officiellement, plus de 225 000 coloniaux et chinois (soit plus de 7 % de la main-d’œuvre militarisée et 16 % de la main-d’œuvre civile dans les usines d’armement pour toute la durée du conflit) et au moins autant d’étrangers ont travaillé sur le sol métropolitain pendant la guerre. Ils sont répartis comme suit : environ 75 000 Algériens (“Kabyles”), 35 000 Marocains, 18 500 Tunisiens, 5 500 Malgaches, 49 000 Indochinois. En Algérie ces travailleurs sont réquisitionnés à partir de 1916.

Souvent durement atteintes par la mobilisation de leurs effectifs, Les entreprises ne peuvent plus recruter librement de la main-d’œuvre à l’étranger. C’est donc l’État qui prend en charge, pour la première fois, le recrutement massif de travailleurs, leur acheminement, leur placement dans les usines ou les campagnes, et même la gestion de leur vie quotidienne. Ce sont ainsi quelque 500 000 travailleurs qui sont recrutés selon des modalités variables.

Entre les deux guerres, en Ile-de-France

L’enquête Louis Massignon en 1921, recensait près de 12 000 travailleurs Kabyles dans l’agglomération parisienne dont 2 700 aux usines Renault à Billancourt, 7 000 aux usines Citroën à Clichy et Levallois, 2 500 laveurs de voiture à Saint-Ouen, Levallois et Aubervilliers. Il localisait les principaux centres d’hébergement des Kabyles à la Villette, le long du canal de l’Ourcq et rue des Flandres (19e arrondissement), Grenelle et avenue du Maine, avenue d’Italie, boulevard de la Gare, rue de la Glacière et d’Alésia (13e et 14e). Bien que le 20e ne soit pas indiqué dans cette enquête, on voit que les kabyles s’installent principalement dans l’est parisien, rive droite et rive gauche.

Ils se regroupent souvent dans certains vieux quartiers des villes et dans les banlieues industrielles. Le 20e arrondissement, au début du XXe siècle, est encore un quartier considéré « périphérique », rattaché depuis moins de cinquante ans à Paris, la population y est ouvrière, les loyers sont peu élevés, c’est donc un quartier où viennent s’établir les travailleurs « coloniaux » nouvellement arrivés.

Plus globalement, les premiers repérages d’algériens en France métropolitaine remontent à la période 1914-1918 avec 80 000 individus présents en France, selon le sociologue Mohand Khellil, dont 87 % provenaient des deux départements kabyles, Tizi-Ouzou et Constantine […] L’émigration algérienne est donc éminemment kabyle », nous informe-t-il en1994 dans son étude « Kabyles en France, un aperçu historique ». Soit bien antérieure à l’immigration algérienne plus massive des années 1950. (..)

Désormais présents depuis un siècle et demi, les Kabyles ont adopté Paris tout en conservant leur culture intime, leur langue, et nous invitent au partage réciproque.

>> Retrouver la suite de cet article L’arrivée des kabyles au XXème siècle, sur le site de l’AHAV, l’association d’histoire et d’archéologie du 20e arrondissement de Paris.

Au restaurant « Le Ramus », portrait du grand-père en uniforme qui s’est battu pour la France (AHAV)

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« Idir et les kabyles dans le 20e« , sur le site de l’AHAV

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