La rencontre. Le chef de file de la liste Parisiennes-Parisiens (mouvement citoyen fondé par Gaspard Gantzer) nous a donné rendez-vous un vendredi après-midi de janvier au café Saint-Blaise (58, rue Saint-Blaise), à deux pas de chez lui. On ignorait alors que la campagne allait connaître un (nouveau) rebondissement : Gaspard Gantzer annonce ce jeudi rejoindre Agnès Buzyn (LREM). “Une décision personnelle, prise sans avoir consulté les têtes de liste”, nous explique Valéry Vuong, qui maintient sa liste citoyenne dans le 20ème.
Mon Petit 20e : Pouvez-vous vous présenter et nous résumer votre parcours ?
Valéry Vuong : J’ai 42 ans, deux enfants, Anatole et Lucien, âgés de 6 ans et 9 ans, qui ne connaissent que le 20e arrondissement. Originaire de Troyes (Aube), j’ai grandi dans la banlieue lyonnaise. J’ai eu une carrière riche, pleine de rebondissements, j’ai d’abord travaillé comme employé , puis comme technicien et cadre, alternant périodes de chômage et formations, dans les secteurs des transports et de la logistique. La politique m’a toujours intéressé. J’ai milité au Parti socialiste, que j’ai quitté désabusé en 2017, en dénonçant le fait que les places éligibles étaient accaparées par les collaborateurs d’élus et attachés parlementaires. Depuis 2015, je suis conseiller de quartier. C’est dans ce cadre que j’ai initié un Forum de l’Emploi, pour lutter contre le chômage qui touche 20 % des habitants du 20e. C’est une réussite : on prépare la 5e édition, en attirant à chaque fois de grandes entreprises. Ce qui m’a décidé à me présenter ? C’est le manque d’écoute et la déconnexion des élus. On n’a jamais de réponses à nos requêtes. Ils n’ont ni les bons diagnostics, ni les bons remèdes.
Depuis quand vivez-vous dans le 20e ? Dans quel quartier précisément ?
J’ai vécu sept ans dans le 12e arrondissement du côté de Porte dorée, avant d’emménager en 2010 dans le 20e, à Saint-Blaise.
Comment définiriez-vous le 20e pour des personnes qui n’y habitent pas ?
Le 20e, c’est un arrondissement cosmopolite et populaire. C’est devenu depuis le 1er janvier 2020 le deuxième plus peuplé de Paris. C’est un arrondissement très jeune, car 20 % de la population a moins de 20 ans. Aujourd’hui, deux personnes qui vivent dans la même rue n’ont pas le même quotidien. Si vous remontez la rue Saint-Blaise, vous traversez la rue Vitruve et vous vous retrouvez tout de suite dans un autre monde, avec l’église, le charme d’un village. Alors qu’ici, vous êtes d’un côté vraiment plus populaire. Là, il est tôt, il n’y a pas encore de dealers, mais le soir ça traîne dès 18-19 heures. C’est le jour et la nuit à deux rues près.
Vos adresses fétiches dans le 20e ?
Quand mes enfants étaient un peu plus jeunes, on allait au SuperCafé, rue de Fontarabie. C’est très sympa, on peut y aller avec eux. Un peu plus haut dans la rue Saint-Blaise, il y a Le Casque d’or. Rue de Bagnolet, le restaurant Le Papillon, à Nation Chez Prosper. Au niveau de Gambetta, on va aller Aux Ours, à l’Indiana ou Chez Papa. Ou encore à l’Etoile européenne Porte de Bagnolet.
Quels sont selon vous les trois combats prioritaires dans le 20e ?
En premier, je dirais la mixité sociale et le vivre ensemble. On a créé des ghettos. Il y a des écoles ici, où vous n’aurez même pas deux enfants de la couleur blanche… Pourtant je suis pas blanc. A l’école primaire de la Rue du Clos, il y a un grand grillage au-dessus de la cour, car il y a des gens qui lancent des choses dedans. Il faudrait revoir les affectations au moment de l’attribution des logements sociaux, pour plus de mixité. Les autres priorités, ce sont la propreté et la sécurité. Il faut mécaniser les outils de propreté et sectoriser, avec toujours les mêmes agents sur la même zone. Tout en développant une police municipale de proximité chargée de faire de la prévention et de mettre des amendes.
Qu’est ce qu’il manque aujourd’hui dans le 20e ?
Il faudrait plus de mobilité, avec l’ajout de lignes bus du type “La Traverse”, pour les 20 % d’habitants âgés de plus de 60 ans. Mais aussi plus de verdure, en plantant plus d’arbres et en limitant un maximum le béton.
Les pouvoirs d’un maire d’arrondissement suffisent-ils réellement pour peser sur la vie des habitants ?
Non, aujourd’hui un maire d’arrondissement a moins de pouvoir qu’un maire d’une commune de 100 habitants. Nous aimerions que la police municipale soit directement rattachée au maire d’arrondissement, et la propreté à son premier adjoint.
Une anecdote à nous raconter sur ce début de campagne électorale ?
Il y a un moment qui me choque un peu, c’est le marché de la Réunion le dimanche matin. Il y a un jour où il y avait 30 personnes qui tractaient en même temps et les passants se sentaient un peu agressés, obligés de slalomer. Certes, il faut faire des marchés, mais ce qui fonctionne le mieux c’est le porte-à-porte.
L’initiative citoyenne repérée dans le 20e et qui gagnerait à être connue ?
Les conseils de quartiers. Il faut encourager les citoyens à s’y investir, car ils disposent de moyens financiers pour réaliser des projets concrets.
Des loisirs ou des hobbys pour se détendre après une rude journée politique ?
Voir mes enfants, ou encore aller à la salle de muscu où je suis inscrit, mais je n’ai pas tellement le temps d’y aller en ce moment, car j’enchaîne les réunions…
L’objectif affiché pour ces municipales ? Vous diriez que le pari est réussi si… ?
Si on arrive à faire passer le message à nos voisins qu’il ne faut pas voter pour les intérêts d’une carrière ou d’un parti politique, mais pour leurs intérêts à eux, pour ceux de leur famille et de leurs voisins. On vise minimum les 10 % des suffrages pour avoir notre indépendance et se maintenir au second tour.
En vue d’un second tour, avec qui pourriez-vous vous allier ?
Aujourd’hui, la seule personne à qui je trouve un engagement sincère, c’est Antoinette Guhl d’Europe Ecologie Les Verts. Elle nous a aidés à contacter des structures de l’économie sociale et solidaire dès la troisième édition du Forum pour l’Emploi.
Votre première mesure en tant que maire du 20e ?
Je mettrais en place des cantines solidaires. La cuisine centrale du 20e, qui fournit les écoles et les collèges de l’arrondissement (avec 50 % de nourriture bio), pourrait produire pour un plus large public. Des plats qui seraient servis dans un lieu chauffé où les personnes précaires, mais aussi les autres, viendraient déjeuner le midi, avec une participation à la hauteur de leurs moyens.
Crédit photo : Pauline Pellissier