Que vous cherchiez à acheter ou à vendre, ce guide a pour ambition de vous éclairer sur l’état du marché de l’immobilier dans le 20e arrondissement de Paris.
Des articles sur l’immobilier à Paris, il s’en écrit tous les jours. Mais sur le 20e arrondissement spécifiquement, un peu moins. Depuis juin dernier, on est parti à la rencontre de plusieurs agents immobiliers spécialistes du quartier, d’un notaire qui y exerce depuis 20 ans, et on a récolté plus d’une dizaine de témoignages d’acheteurs. Voici ce qu’on en a retenu.
Un boom des prix depuis les années 2000. Si la crise du Covid est venue apporter de l’incertitude (comme, avant, elle la crise financière de 2008), jusqu’ici les biens ont connu une hausse continuelle des prix. C’en est même vertigineux. Illustration : des appartements haussmanniens, situés rue des Pyrénées se vendaient 2 000 € le m2 au début des années 2000, contre plus de 10 000 € le mètre aujourd’hui. (On en est à regretter d’avoir été trop jeune, ou de ne pas avoir eu de famille à Paris, pour pouvoir acheter plus tôt !). Pour vous faire une idée très concrète de la progression des prix, on vous conseille de regarder combien se sont vendus les biens dans votre rue. Depuis mai 2019, les transactions sont plus transparentes : le ministère de l’Économie a lancé un site (https://app.dvf.etalab.gouv.fr/) qui répertorie le montant des ventes sur les cinq dernières années. Il suffit de rentrer sa commune, puis de repérer sur le cadastre la zone qui vous intéresse pour voir s’afficher les dernières ventes. C’est instructif certes, mais grisant pour les vendeurs… et très déprimant pour les acheteurs.
Pourquoi les prix ont-il fortement augmenté dans les années 2000 ? Guy Brault, notaire dans le 20e depuis 24 ans, date cette hausse de 2003-2004, quand peu de biens étaient disponibles à la location dans Paris. “Des gens de Province, qui cherchaient à loger un enfant étudiant à Paris, s’installaient ici car ça ne coûtait pas plus cher d’acheter un studio dans le 20e qu’un loyer sur plusieurs années ailleurs”, explique-t-il. Puis, c’est la forte hausse dans les arrondissements les plus centraux de Paris (Le Marais notamment), qui a entraîné une hausse en cascade dans les autres quartiers, jusqu’aux plus périphériques. Enfin, les prix ont aussi explosé avec la baisse des taux d’intérêt. “Quand je suis arrivé, les gens empruntaient sur 15 ans. Quand ils le faisaient sur 20 ans, on se disait “c’est de la folie”, et à présent, les jeunes empruntent tous sur 25 ans”, constate le notaire.
Photo : un immeuble du quartier Saint-Fargeau.
Un plan B pour un 10e et un 11e arrondissement devenus trop chers. On l’a constaté dans les témoignages recueillis, le 20e arrondissement est une solution de replis pour des acheteurs qui visaient des quartiers plus centraux, notamment le 10e et le 11e, où les prix dépassent désormais les 11 000 € le mètre carré. Si les très hauts revenus trouvent encore à se loger dans le centre, les métiers créatifs, artistiques, moins rémunérateurs, privilégient les coins du 20e encore bohèmes et populaires.
Ce déplacement des CSP + vers des quartiers moins centraux de la Capitale n’est pas uniquement dû aux prix. Il s’explique aussi par la baisse de la criminalité dans des arrondissements (18e, 19e, 20e, 13e…) autrefois mal considérés. Ces quartiers populaires ont vu leur réputation évoluer : de dangereux, ils en deviennent avant-gardistes. Le 20e a ainsi connu un changement d’image. “Quand je suis arrivé, le 20e avait mauvaise réputation. Il y a des confrères, quand je leur disais que je m’installais dans le 20e, c’est tout juste s’ils ne me tournaient pas le dos !”, se souvient Maître Brault.
Une gentrification massive est à l’oeuvre. Choix par défaut pour certains, le 20e devient un lieu recherché par d’autre. Alors que le 11e est considéré comme très festif et plus uniforme, “le 20e devient un arrondissement à la mode, car moins dense et avec une identité et une vie culturelle forte”, constate Guillaume Poitoux, président de La Commune Immobilier (rue Saint-Blaise). “Aujourd’hui, ce sont des quartiers où il fait bon vivre avec des îlots de verdure, mais aussi le parc de Belleville, et le bois de Vincennes pas trop loin. Pour ceux qui sont en voiture, on circule beaucoup mieux que dans le centre”, ajoute Pierre Carme, négociateur immobilier pour l’agence 20ème Appart. Parmi les témoignages d’acheteurs cités plus bas, on constate totalement cette surreprésentation de trentenaires, officiant dans des métiers créatifs et/ou en lien avec l’univers digital. (Même si le fait d’avoir lancé un appel à témoins sur Instagram est un biais, car les populations plus âgées y sont moins présentes).
La “boboïsation” du quartier se poursuivra-t-elle ? Tout laisse à croire que oui, même si deux limites peuvent être apportées. D’abord, le manque de place à Paris, pousse bien des familles à passer le Périph’ pour s’installer dans des communes plus abordables : Montreuil, Pantin, Bagnolet, Les Lilas dans un premier temps.. Et maintenant à Romainville, où la ligne 11 sera prolongée entre 2022 et 2025. Ensuite, une internaute (@rafarelle) nous signalait très justement que la forte présence de logement social dans le 20e pourrait être un frein à la gentrification et maintenir une certaine mixité sociale.
“Le 20e arrondissement présente aujourd’hui un niveau de concentration en logement social similaire à certaines villes de banlieue. Si ce rythme était maintenu, le taux de logements sociaux pourrait atteindre 50 % en 2034 (le double de l’obligation légale), contre 13 % seulement pour le 16e arrondissement. Ce qui empêche une hausse de la gentrification. De plus, avec la Covid 19 qui a amplifié le télétravail, la population des CSP + qui ont du mal à trouver un logement lorsque le deuxième/troisième enfant arrive, vont pouvoir quitter la capitale en faveur de la province où les grands logements avec jardin sont plus abordables“, écrit-elle.
Photo : la place Fréhel, dans le quartier de Belleville.
Une grande variété de biens et de quartiers. Impossible de faire une carte précise des quartiers et des prix des biens qui leur correspondent. Dans une même rue, d’un immeuble à l’autre, les disparités sont grandes. “Le 20e n’a pas été ou très peu haussmannisé, si bien que vous avez une architecture moins standardisée, plus intéressante que dans d’autres arrondissements de l’Est de Paris, avec des petites maisons d’ouvriers, des ateliers d’artistes transformés en loft, d’anciennes entreprises…”, nous apprend Guillaume Poitoux (La Commune Immobilier).
Si les agents immobiliers s’accordent sur un prix moyen entre 9 500 et 10 000 € le m2 dans l’arrondissement, les quartiers les plus bourgeois et les biens les plus exceptionnels atteindront les 12 000 €/m2. A l’inverse, on trouvera encore des biens autour des 7 000 €/m2 dans les quartiers périphériques, populaires (boulevard des Maréchaux), comprenant plus de logements sociaux. Le style d’immeuble et l’état de l’appartement joueront aussi sur le prix. Maître Brault recommande les biens haussmanniens ou anciens, qui sont une valeur sûre, et se revendront bien. Mais les immeubles années 70 ont aussi la cote avec leurs baies vitrées et leurs balcons, très demandés depuis le confinement. Veillez juste à vérifier leur bonne isolation et l’absence d’amiante.
“Le deux-pièces au bon prix se vend dans la journée.” Ne cherchez pas, il n’y a très peu de marge de négociation. Même quand il y en a, les gens ne négocient pas. Ils ont peur de ne pas avoir l’appartement, dans un contexte tendu, nous apprennent les différents agents interviewés. Notez que sur des petites surface, les prix ont tendance à être plus élevés. Et qu’elles partent plus vite que les grandes surfaces. “Les appartements qui dépassent le million d’euros ont a plus de mal à les vendre, alors que le deux-pièces à 400 000, on en vend tous les matins. Les gens qui ont un, deux, trois millions d’euros, ne viendront pas forcément dans le 20e”, raconte Pierre Carme (20ème Appart).
Une stagnation des prix post Covid ? À l’étude notariale de Maître Brault (interrogé début juillet) aucune baisse des prix n’avait été constatée : “On a dit que le confinement allait faire baisser les prix, mais pas du tout. On n’arrête pas de signer des promesses de vente. Même si certains risquent de perdre leur travail, ce qui va réduire la masse des acheteurs, il en restera quand même assez. Sur 50 acheteurs intéressés, il y en aura toujours 2 ou 3 qui auront leur financement, leur prêt”. D’après lui, “c’est quand les taux d’intérêt vont augmenter que là certains ne pourront plus acheter”.
Du côté des agents immobiliers, Pierre Carme (20ème Appart) et Eric Azoulay (conseiller immobilier indépendant, Capifrance) témoignent d’un marché dynamique. “C’est reparti en flèche après le confinement. Je ne sais pas si les gens ne supportent plus leur appart après y avoir été confiné, mais il y a de plus en plus de demandes d’estimations. On surfe sur une vague euphorique, où des gens se décident à quitter, où les gens ont changé de projet de vie, avec des projets de départ en Province”, explique le premier. “Les affaires ont repris. Il y a peut-être un tout petit peu moins d’acheteurs, et un peu plus de vendeurs qu’avant. Du coup, ça s’équilibre. Le marché reste toujours assez porteur, même si les prix stagnent”, ajoute le second.
Guillaume Poitoux (La Commune Immobilier) se veut plus prudent : “On le ressent, ça commence à se calmer. Il va y avoir une période comme on l’a connu en 2008-2010 avec moins de transactions, un marché qui va être assez bloqué pendant quelques mois. Les vendeurs vont toujours vouloir vendre à un prix très élevé, et les acheteurs sont assez attentistes, surtout en cette période de possible reprise d’épidémie. On est sur un marché qui était à la hausse, mais on a atteint un plafond. Si bien qu’on a de nouveaux des marges de négociations depuis un mois, sur des biens non-exceptionnels”. La stagnation des prix devrait se poursuivre quelques mois, surtout si les taux d’intérêt remontent. “On devrait arriver vers des taux à 2 % à la fin de l’année. Il va y avoir une diminution des projets. Il faut qu’on assimile la hausse des prix de ces derniers mois. Que la clientèle se fasse à l’idée que dans le 20e, c’est tel prix”, anticipe Pierre Carme (20ème Appart).
Peut-on encore faire de bonnes affaires ? Non, répondent en coeur les agents du quartier. “Tout est déjà trop cher. Il faut regarder la 3e couronne, le plan du grand Paris. Romainville par exemple, il y a 5-6 ans. Investir sur du locatif, ce n’est pas très intéressant, car les prix à l’achat sont chers et les loyers encadrés. Les taux de rentabilité sont minimes. Les bons coups restants, c’est pour les marchands de bien qui vont acheter un immeuble entier, en succession. Ils vont poser 10 millions sur la table”, raconte Pierre Carme. Même son de cloche pour Guillaume Poitoux (La Commune Immobilier) : “La bonne affaire, ce peut être une succession, avec des enfants qui vivent en Province et qui ne connaissent pas le prix du marché, mais c’est très rare, car les gens avec Internet sont au fait des prix. Sinon il faut prendre des risques, acheter des biens avec des problèmes juridiques”. Pas plus de bonnes affaires constatées chez Guy Brault, notaire : “On peut en voir exceptionnellement quand il y a des travaux à faire, des ateliers à rénover. Certains arrivent, en plusieurs étapes à racheter des combles ou des bouts de couloirs à côté”. De même, on remarque de plus en plus de surélévation, ajoutant un étage à de petits immeubles ou maisons.
Photo : une maison en brique, à proximité de la Porte de Bagnolet et de la “Campagne à Paris”.
Jusqu’où les prix monteront ? Si on ne fait plus de bonnes affaires, on se console en se disant qu’il faut bien se loger et qu’on ne devrait pas perdre d’argent. On se dit qu’on revendra toujours plus cher… mais jusqu’à quand ? “C’est à se demander qui pourra acheter à Paris dans 10 ans”, se questionne Pierre Carme. Selon lui, “on va suivre la tendance londonienne. Ils ont 10 ans d’avance sur nous, au niveau des prix, c’est la capitale la plus chère. On est entre 15 et 20 000 le m2 partout.” (C’est à se demander comment les salaires pourront suivre !). Eric Azoulay est du même avis : “Je pense que la hausse ne s’arrêtera jamais, même s’il y aura toujours des paliers, des pauses, comme en ce moment pour digérer les hausses. Mais après ça repart toujours.”
Des recherches compliquées : certains abandonnent. Caroline, 33 ans, qui travaille dans le digital, nous explique que plus le temps passe et plus la quête se complique. “Nous avons cherché pendant un an, un an et demi. Nous cherchions (et cherchons toujours mais de manière trop passive pour que ce soit efficace et devons revoir certains critères) un F3 avec deux chambres, minimum 50 m2 dans le 20e en priorité, mais on a élargi à la proche banlieue à +/- 400 000 euros. Évidemment lumineux, avec idéalement un balcon et de très grandes fenêtres. C’est le type de bien que tout le monde veut au même moment de sa vie. On a dû visiter une quinzaine d’appartements. On était prêt à faire des offres sur deux biens, mais d’autres acquéreurs ont été plus rapides que nous. C’est très frustrant. J’ai même pleuré de frustration, après une offre concurrente de dernière minute”.
Et la location ? Là encore, les prix ont fortement augmenté ces dernières années, même si l’encadrement des loyers permet de limiter les abus. Le souci, c’est que si les agences sont obligées de jouer le jeu (elles sont contrôlées et risquent des amendes), ce n’est pas le cas des particuliers… pas tous très réglos. En terme de prix, on est en moyenne autour des 30 € du m2. “Cela reste élevé, surtout pour les jeunes et les étudiants. Il faut avoir de bons revenus ou faire appel à des parents et des garants, sans quoi c’est compliqué de se loger”, commente Eric Azoulay (Capifrance). La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que les agences constatent plus de bien disponibles en ce moment. La raison ? Des départs de Paris de personnes qui télétravaillent depuis la Province.
S’il reste des bons plans, c’est souvent le cas d’appartement loués depuis plusieurs années et dont les prix n’ont pas été (trop) réévalués. Ainsi, on a connaissance d’un duplex de 50 m2, dans une impasse pavée près de la campagne à Paris, loué 1 100 €/mois (charges comprises). Du côté de la place de la Réunion, Fannie, trentenaire, réalisatrice de profession, habite un 43 m2 à 850 € par mois (+ 50 € de charges).
QUARTIER PAR QUARTIER
Photo : La place Gambetta/crédit Ville de Paris.
PÈRE LACHAISE/GAMBETTA/PELLEPORT
C’est l’une des zones les plus recherchées du 20e. C’est là que les prix ont grimpé en premier. On dépasse aujourd’hui la barre des 10 000 €/m2. C’est là qu’il y a les plus beaux immeubles et le plus de commerces, commente un agent. “Gambetta, ça a toujours été un quartier très attractif, sur une base de prix du 11e arrondissement”, précise Guillaume Poitoux. Quelques exemples de transactions récentes : au 99 rue Orfila, un 2/3 pièces (48 m2) traversant au premier étage s’est vendu 524 000 €. Au 116 rue Pelleport un 26m2 à refaire, au 6e étage, a été attribué 275 000 €. Au 70 rue Pelleport (en face de l’hôpital Tenon) un 58m2 à rénover avec cave et place de parking est parti dans la journée à 550 000 €.
Joris, 26 ans, digital designer. “Avec ma compagne infirmière, nous vivions en location dans un 40 m2 dans le 15e arrondissement. Au moment de chercher un appartement plus grand, on a fait nos calculs et réalisé qu’on pourrait payer le même montant en remboursement de prêt qu’en loyer. On s’est mis en recherche, en priorisant le 10e, le 11e arrondissement, et le bas du 19e vers Jaurès. Avant de se rendre compte que les prix étaient devenus excessifs. Après trois mois de visite, on a signé en octobre 2019 pour un 52 m2 à 535 000 € avenue Gambetta en face du Père Lachaise. Au 4e avec ascenseur, il a le charme de l’ancien (parquet, moulures…). On a juste eu besoin de refaire la salle de bain avant d’emménager en janvier”.
Annabel, 33 ans, architecte-scénographe. Installée dans le 11e en location depuis plusieurs années, elle cherchait depuis deux ans un deux pièces dans l’est de Paris, voire en très proche couronne. Une quête bien galère, car les petites surfaces partent très vite. Difficile, quand on a pas l’argent en cash de l’emporter face aux investisseurs locatifs. Elle a fini par trouver rue Dupont de l’Eure, à Pelleport. Auprès d’un propriétaire, qui a privilégié un acheteur qui vivrait bien dans le lieu. Elle a déboursé 319 000 € pour un deux pièces de 30m2, à rénover entièrement, situé au 5e étage avec ascenseur, dans un bel immeuble de pierre et de brique.
Anne-Charlotte, 30 ans, journaliste. “J’ai racheté l’appartement d’une cousine éloignée à l’été 2019. Il s’agit d’un 27 m2 avec un petit balcon (3m2) et une cave, dans un immeuble des années 60, rue Villiers de l’Isle Adam (quartier Gambetta). Je l’ai payé 225 000 €, soit dans la fourchette basse des prix du quartier. Initialement, vu mon budget, je cherchais à acheter en banlieue Sud de Paris, près de mon boulot. Mais là-bas les prix avaient déjà fortement augmenté, je ne trouvais plus de deux pièces accessibles. J’ai sauté sur cette opportunité dans le 20e, même si c’est un grand studio. Il faut savoir faire des compromis, surtout à Paris. L’appartement était dans son jus, il y avait tout à refaire, mais j’ai été aidée par des amis, et aujourd’hui je m’y sens bien.”
Photo : un point de vue sur la Tour Eiffel depuis le parc de Belleville.
BELLEVILLE/JOURDAIN/MĖNILMONTANT
C’est l’autre “triangle d’or” du 20e, après le quartier Gambetta. À Jourdain, la barre des 10 000 €/m2 est largement atteinte. Et dans l’ancien, particulièrement dans des immeubles haussmanniens, on atteint des sommets : 12 700 € le m2 adjugé rue des Pyrénées il y a 2-3 mois. “L’insécurité ressentie dans des petites rues alentours le soir, comme dans certains coins de Belleville, n’influe pas sur les prix”, commente un agent. Quelques exemples de transactions : au 88 rue de Belleville, vente très récente d’un deux-pièces de 44m2 (+ 15 m2 de terrasse + petit jardin) à 595 000 €. Dans la très charmante rue Laurence Savart, un 69 m2 dans de l’ancien, s’est vendu 765 000 €. Rue de la Bidassoa, un 34m2 à refaire entièrement est parti à 346 000 €.
Nina, 30 ans, avocate. Locataire dans le 11e, cette Parisienne a cherché en priorité dans le 11e, avant de viser le 20e, suite au coup de coeur de son compagnon pour le quartier très “village” de Jourdain/Pyrénées. Après un mois intense rythmé par 15/20 visites, elle a acheté rue de Belleville, dans un immeuble du début 20e. Un appartement de 45 m2, lumineux, au troisième étage. Déjà rénové, mais pas à son goût, elle l’a fait refaire par sa belle-soeur architecte chez Thynk+, autour d’un gros cube monochrome gris. “Le bémol, c’est la cage d’escalier en mauvais état, qui mérite clairement d’être repeinte. Ça a bien déplu à mes parents, qui habitent eux un immeuble impeccable dans l’Ouest parisien, mais ça nous a permis d’avoir une marge de négociation”. Affiché 483 000 €, le couple l’a obtenu 465 000 € en mai 2020, avant d’emménager courant juillet.
Justine, 32 ans, architecte. C’est l’exemple type de la personne qui a investi au bon moment. En achetant et en rénovant deux apparts, – ce qu’elle adore faire avec son conjoint lui aussi architecte – elle a surfé sur la vague et réalisé de jolies plus-values. “Nous avons acheté il y a 8 ans un 36 m2 à Jourdain à 4 900 € le m2 pour le revendre cinq ans plus tard 9 500 € le m2. Même chose avec un 25 m2 à Gambetta que j’avais acheté pour mettre en location, et que j’ai revendu bien plus cher une fois refait. Si bien que sans apport au départ, en revendant ces deux biens, nous avons pu nous offrir en novembre 2018 un 51 m2 (avec une place de parking) en haut de la rue de Ménilmontant à 425 000 €. Moins de deux ans plus tard, une fois entièrement rénové, nous venons de le faire estimer entre 500 000 € (fourchette basse) et 595 000 € (fourchette haute). Sauf que comme les prix ont augmenté partout de la même manière, donc on n’est pas sûr de pouvoir continuer à acheter plus grand. Mais on regarde quand même, en quête d’une bonne affaire”.
Photo : les châteaux d’eau de Télégraphe.
SAINT-FARGEAU/TELEGRAPHE
“Ce sont des quartiers qui étaient plus populaires, avec beaucoup d’immeubles années 60-70, et moins d’haussmanniens. On avait une clientèle qui avait du mal à y aller, et qui désormais s’ouvre plus à ce genre de coin, ce qui fait monter les prix”, observe un agent. Des deux quartiers, Saint-Fargeau est plus côté. Certes, il n’est pas bien desservi (vive la 3 bis !), mais les riverains se rattrapent en prenant la 11 à Porte des Lilas. À partir de la rue du Borrégo, le quartier Télégraphe a un plus de mal à attirer, et les prix s’en ressentent. Quelques exemples de transactions récentes : au 20 rue Alphonse Penaud, un deux-pièces à refaire (43m2, balcon, cave) s’est vendu 424 000 €. Rue du Borrégo, un 4 pièces de 78m2 avec parking est parti à 548 000 €.
Clara, 26 ans, chargée de communication dans le secteur culturel. C’est sa maman qui a acheté l’appartement dans lequel elle vit, rue Saint-Fargeau, depuis août 2018. “Depuis 15 ans, elle voulait investir dans de l’immobilier à Paris, mais nous étions en désaccord sur le quartier. Elle visait le 15e, où elle avait vécu dix ans dans les années 80, alors que je faisais du lobbying pour le 20e, car j’avais une amie installée à Gambetta. Ma mère se souvenait, elle, du 20e des années 80, qu’elle considérait comme le Bronx !”. Dès la première visite, via Le Bon Coin, on s’est mis d’accord sur un 35m2 dans de l’ancien (parquet, moulures, cheminée), avec deux petits balcons, au deuxième étage. On l’a eu pour 318 000 € (soit 9 000/m2). Lors de la vente, on a appris que la précédente propriétaire l’avait acheté 250 000 € en 2014.
Martin, 32 ans, et Justyna, 28 ans. “Nous vivions à Villejuif, dans un endroit bruyant à cause du trafic automobile. Notre critère principal d’achat, c’était le calme. Nous n’avions aucune contrainte sur la localité, et lorsque nous avons visité cet appartement rue de la Justice, nous avons été séduit par le calme et le charme du quartier. Même si c’était la première fois que nous mettions les pieds dans ce quartier, nous n’avons pas hésité à faire une offre sur-le-champ. Coup de chance, la propriétaire souhaitait que ce soit un jeune couple qui reprenne son appartement. Nous avons acheté il y a un peu moins de deux ans, un 70m2 à 475 000 euros. Et nous l’avons ensuite entièrement rénové.
Julie, juriste (35 ans) et Nicolas, illustrateur (39 ans). “Nous habitions déjà le 20e dans le quartier Gambetta. À l’arrivée de notre deuxième enfant, notre 3 pièces est devenu notre petit. Nous cherchions de façon pas très intensive, depuis août 2019, pour finalement trouver en février 2020 un 104 m2, entre Porte de Bagnolet et Saint-Fargeau. C’est un rez-de-chaussée, pas très lumineux, sur un jardin collectif, que nous avons payé 655 000 €. Auquel il faut ajouter 30 000 € de travaux. Pour le financer, nous avons revendu notre 50m2 515 000 €. Nous l’avions acheté 317 000 € en 2014, avant de le rénover entièrement”.
Photo : une maison du quartier “La Campagne à Paris”.
LES PORTES (DE BAGNOLET, DES LILAS, DE MONTREUIL, DE VINCENNES)
Ce sont les coins les moins attractifs du 20e. Sur la carte, les boulevards des Maréchaux (“Mortier” au Nord, “Davout” au Sud) coupent le quartier en deux. “À gauche, des copropriétés où l’on a encore du mal à amener des gens, à droite des zones proches du périphérique avec quasiment que du logement social”, décrit un agent. Les prix pratiqués oscillent entre 7 000 et 8 000 € le m2. Parfois, une fois le périph’ passé, les prix peuvent même remonter : c’est le cas à Mairie des Lilas, avec des prix moyens à 9 000 €/m2. Une exception néanmoins : le quartier pavillonnaire et bucolique de la campagne à Paris (où réside l’ancien Président François Hollande). Certaines maisons sont “au prix d’Invalides”, s’amuse un agent. Selon la surface, elles se monnaient entre 1,5 et deux millions d’euros.
Quelques exemples de transaction : dans un immeuble année 70, au 7e étage sur le boulevard Davout, un 62m2 à refaire avec cave, parking et 10m2 de balcon est parti après le confinement à 470 000 €. Porte de Montreuil, un studio de 18 m2 donnant sur le jardin de la gare de Charonne (et sur un point de deal !) s’est exceptionnellement vendu à 10 000 € le m2, “parce que c’est rare d’avoir un studio en dessous de 200 000 € à Paris”, commente l’agent qui s’en est occupé. Rue Emile-Pierre Casel, dans la Campagne à Paris, une maison de 130m2 (+ jardin de 145m2 + atelier 16m2 + cave 5m2 + garage 19m2) s’est adjugée 1 430 000 € en 2019.
Nathalie, 44 ans, directrice d’une agence de communication. Le parcours de Nathalie, qui vit dans le 20e depuis 2003, résume bien l’explosion des prix de ces dix dernières années. D’abord locataire, on lui propose en 2006 d’acheter un appartement dans l’immeuble où elle vit, rue de la Réunion, à proximité du métro Alexandre Dumas. Poussée par ses amis, alors qu’elle n’envisageait pas de devenir propriétaire, elle obtient ce 36m2, au rez-de-chaussée sur cour, à 126 000 € (soit 3 500 €/m2). En mauvais état, elle le refait entièrement, y vit sept ans, avant de le revendre, fin 2013, 289 000 (soit 8 000 €/m2). Ce qui lui permet d’acheter plus grand en avril 2014 (elle est devenue maman entre temps) : un charmant trois pièces de 65 m2, dans de l’ancien, donnant sur un parc, entre Porte de Bagnolet et Saint-Blaise, à 489 000 € (soit 7 500/m2).
Photo : La rue Saint-Blaise/@Baliproductions.
LA RÉUNION/MARAîCHERS/BUZENVAL
“Les quartiers du sud du 20e sont moins typiques, avec quelques énormes co-pro des années 80-90. Mais certains coins, comme la charmante rue Saint-Blaise et la sympathique place de la Réunion, compensent bien. Ce sont des quartiers qui montent”, constate un agent. Même si d’une rue à l’autre, l’ambiance peut changer complètement. “La rue Saint-Blaise en est un parfait exemple : du numéro 1 à la petite place, vous allez être à des prix bien supérieurs, car vous n’êtes pas sur la même physionomie d’appartement et de quartier que le bas de la rue”, témoigne Guillaume Poitoux (La Commune Immobilier). Du côté d’Avron, le quartier est également coupé en deux. Il y a un côté que l’on assimile à Nation, avec des prix à 10 000 € du mètre. De l’autre, vers la rue de la Volga, c’est moins recherché et il y a des points de deal.
Quelques exemples de transaction : Au 122 rue de Bagnolet (angle rue Saint-Blaise) un rez-de-chaussée atypique, un local commercial déjà transformé en habitation, avec souplex (74 m2) équipé en studio de musique s’est vendu 420 000 €. Au 67 rue Saint-Blaise, un 57m2 avec parking s’est vendu 441 000 €. Au 22 rue de la Réunion, un 60m2 avec parking s’est vendu 482 000 €.
Léa, 29 ans, kiné. “Après un an de recherche dans le 18e, 19e, et 20e, où plus je visitais, plus je perdais des mètres carrés (la hausse des prix a été hallucinante sur un an !), j’ai fini par trouver, en décembre 2019, un 24 m2 à 237 000 €, rue des Haies, près du métro Buzenval. J’ai tout refait du sol au plafond, avant d’emménager en février 2020. C’est un quartier que je ne connaissais pas du tout, qui est assez mixte encore, même s’il se gentrifie fortement. J’ai découvert en m’y installant qu’il y a un trafic de drogue dans les environs, mais je n’ai pas du tout peur, je ne ressens pas d’insécurité particulière.”
Pascale, la cinquantaine, journaliste culinaire. Cette mère de famille, dont les enfants ont quitté le nid, a emménagé fin février 2020 dans un appartement situé à l’angle de la rue des Maraîchers et de la rue des Orteaux, pas très loin de la place de la Réunion. Après avoir vécu pendant 20 ans dans une grande maison familiale à Nogent-sur-Marne, elle a eu envie avec son mari de renouer avec une vie plus citadine. S’ils ont choisi le 20e, c’est un peu par hasard : ils ont eu un coup de foudre pour un 3 pièces de 62m2. Du très haut de gamme, avec parquets et moulures, en dernier étage, en duplex, refait à neuf, avec balcon. Son prix ? 680 000 €.
Guillaume, 27 ans, consultant en marketing digital. “Locataire d’un 25 m2 à Oberkampf (11e), je cherchais à acheter un deux-pièces dans un quartier plus calme. Après cinq visites, j’ai trouvé mon bonheur, rue des Orteaux, pas loin de la Place de la Réunion. C’est un 40m2 dans un immeuble des années 70, affiché à 327 000 € que j’ai pu négocier 315 000 €. J’ai mis en avant qu’il y avait tout à refaire, et je suis passé par un entrepreneur pour tout casser, mettre aux normes et rénover. Je m’en suis bien sorti, avec un budget à 800 € le m2. Pour que mes amis puissent suivre l’avancée des travaux, j’ai créé un compte Instagram qui compile les grandes étapes des travaux : @5avecascenseur. J’ai signé le 13 mars 2020, juste avant le confinement, et j’ai emménagé fin juin, car il y a eu du retard dans les travaux. Depuis, je reçois toujours les alertes mails que j’avais souscrites. Il y a un truc grisant avec l’immobilier, tu te prends trop au jeu et tu continues à regarder pour te convaincre que tu as fait le bon choix.”
Photo : La rue Ligner /@Baliproductions.