Après une mobilisation des riverains  contre la société Habyt, place de la Réunion en 2022, c’est la start-up bruxelloise Cohabs qui développe actuellement le coliving dans le 20e arrondissement. Enquête sur un mode de logement qui fait débat.

Le coliving, une traduction littérale de cohabitation ? Pas tout à fait. Certes, il s’agit bien d’un habitat partagé, organisé entre des espaces individuels (chambre, parfois une salle de bain en suite) et des espaces communs (buanderie, salle à manger, salle de sport). Mais pas seulement. “Notre rôle, c’est de s’occuper de l’expérience colocataire”, explique Kevin, responsable marketing chez Cohabs. 

Concrètement, la start-up achète des biens et les rénove, sous le regard attentif de l’architecte d’intérieur Lionel Jadot, chargé de la décoration de tous les biens de la start-up. “Les logements sont spécialement pensés pour vivre ensemble” poursuit Kévin. Par exemple, les pièces communes sont aménagées de préférence au rez-de-chaussée, dans des endroits de passage, pour faciliter les rencontres. 

Cohabs met un point d’honneur à la création d’une “communauté”. Les locataires – qui se font d’ailleurs appeler des “membres” – disposent d’une application mobile leur permettant de communiquer entre eux. L’organisation d’activités en tout genre, allant du tournoi sportif à la dégustation de vin, crée également des opportunités de rencontres entre les membres des différentes maisons.

Une terrasse commune dans l’une des maisons en coliving

L’autre atout de Cohabs ? Une solution de logement clé en main. Aurore, membre Cohabs depuis trois ans, raconte : “Moi, je suis pâtissière. Dans la restauration, le processus de recrutement va vite. Quand j’ai eu mon poste à Paris, j’avais une semaine pour trouver un appart, avec un dossier pas forcément béton. Cohabs était le choix le plus simple”. La start-up prend en effet en charge l’essentiel des frais de la maison (eau, électricité, wifi, chauffage, assurance), ainsi que certains services (ménage, courses, abonnement Netflix…).

Le coliving se développe dans le 20e arrondissement

Comme Aurore, de plus en plus de locataires sont séduits par le coliving à Paris. Le 20e arrondissement est un terreau particulièrement fertile puisque le marché immobilier y est moins onéreux que dans les arrondissements centraux, donc plus rentable pour les start-up. “On cherche aussi des maisons qui ont du caractère. Il y a beaucoup de grandes bâtisses anciennes dans le 20e arrondissement”, ajoute Kevin.

Preuve de cet engouement, Cohabs possède déjà quatre logements dans le 20e arrondissement, soit environ 70 membres (rue des Cascades, rue des Pyrénées, rue des Montiboeufs, rue du Cambodge). Un cinquième devrait voir le jour rue des Haies d’ici fin 2024. Il s’ajoutera ainsi à la collection de 12 propriétés parisiennes de Cohabs.

L’une des maisons en coliving dans le 20e arrondissement, comprenant 12 chambres

Le modèle du coliving avait déjà fait parler de lui dans le 20e arrondissement, au moment des mobilisations contre le coliving de la start-up Habyt place de la Réunion. La principale revendication ? Les loyers du coliving étaient nettement supérieurs à ceux des logements classiques, tirant ainsi les prix du marché vers le haut. Cohabs se défend de cette accusation : “Depuis son ouverture à Paris [2021], Cohabs suit l’encadrement des loyers appliqué sous le statut de logement meublé.” Dans les faits, les chambres Cohabs se louent entre 1100 et 1300 euros par mois. Habyt semble aussi s’être aligné sur les prix de son concurrent puisque les chambres place de la réunion se louent aujourd’hui entre 975 et 1150 par mois.

Bien sûr, le coliving est une entreprise lucrative puisqu’elle permet de maximiser les loyers payés individuellement par les membres (au lieu d’un loyer unique que des colocataires peuvent se diviser entre eux ensuite). Néanmoins, les coûts (charges et services) pris en charge par la start-up ne sont pas négligeables. “Souvent mes potes me disent que je suis folle de payer aussi cher mais en fait j’y gagne”, estime Aurore.

Une autre crainte des riverains de la place de la Réunion en 2022 était d’être chassés de leurs logements au profit des start-up de coliving. Pour y répondre, Cohabs nous a précisé que “bon nombre des maisons n’étaient plus habitées car elles ne respectaient plus les normes de logements.” Cohabs s’attache en effet à racheter de vieilles bâtisses souvent insalubres et énergivores (scores PPE entre E et G) pour en améliorer l’efficacité énergétique lors de la rénovation. “On cherche des biens auxquels on peut rajouter de la valeur”, met en avant Kevin.

Qui fait le choix du coliving ?

Cela étant dit, comme le soulignait déjà notre article en 2022, tout le monde n’a pas les moyens de payer plus de 1000 euros par mois pour un logement tout inclus. L’arrivée du coliving sur le marché immobilier du 20e arrondissement implique donc une gentrification certaine de la population. Cohabs décrit sa clientèle comme “de jeunes actifs ambitieux qui veulent qu’on leur facilite le quotidien.” Environ la moitié sont des expatriés en quête d’une aventure parisienne temporaire.

Malgré un turnover de 10 mois, Théophile, responsable de l’expérience client, affiche son ambition de “créer un cocon” dans le 20e arrondissement. Tous les mois, il réunit les habitants des quatre maisons pour prendre un verre dans un bar emblématique du quartier. Aurore témoigne : “J’ai découvert plein de bars comme ça. Par exemple, le bistrot littéraire en bas de la rue des Cascades, et la petite place autour de l’arbre [place Henri Krasucki], je n’y serais jamais allée si Théo ne nous y avait pas emmenés. L’autre jour, j’y ai emmené ma famille, ils ne voulaient pas croire qu’il y avait des endroits sympas comme ça dans le 20e.” Si sur le modèle du coliving on aura du mal à mettre tout le monde d’accord, sur l’amour du 20e arrondissement, on devrait être nombreux à s’y retrouver. 

Pauline Gable

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