Créé en 2018, le projet initial de l’artiste consistait à coller des oreilles sur les murs de Strasbourg, puis de toutes les villes de France. Aujourd’hui, Les Murs ont des oreilles mêle tableaux classiques et expressions françaises afin de rendre l’art accessible à tous.

Habillée en noir, casquette sur la tête, c’est avec ses gants rose fuchsia que Les Murs ont des oreilles (qui préfère rester anonyme) s’apprête à coller son œuvre du jour, rue Clavel. C’est le Portrait de la femme de l’artiste, du peintre allemand Carl Joseph Begas, imprimé au format 2,20m par 2m qu’elle a choisi pour illustrer l’expression “avoir les mains pleines de pouces” (soit faire preuve d’une grande maladresse). Sous l’œil intrigué des Bellevillois.e.s, elle tartine, à la main, ses feuilles de colle avant de les accrocher sur un mur préalablement choisi. “Merci d’embellir le quartier”, “Bravo !”, “Qui est-ce ?”, “Vous avez le droit ?”, sont les mots entendus ce jour-là par les passants. 

Son pseudonyme remonte à une discussion dans la rue, avec une amie. Toutes deux parlaient fort de sujets qu’elles ne pouvaient pas faire entendre à tout le monde. Alors, sa confidente lui lance : “Chut ! Les murs ont des oreilles”. Et là, l’artiste a le déclic : elle commence à coller des oreilles dans les rues de Strasbourg, d’abord en petit format, puis, de gigantesques oreilles sont apparues. Au total, plus de 1 000 oreilles ont été collées à Strasbourg et dans plusieurs villes françaises.

Fin 2019, la Strasbourgeoise arrive à Paris et découvre le monde du street art, bien plus présent dans les rues parisiennes. En collant dans la capitale, elle a compris qu’il était possible de faire de plus grandes choses, des projets d’envergure, car la police et les gens sont plus ouverts à l’art de rue. C’est un petit job dans une maison de vente qui lui donne l’idée de coller des œuvres classiques. En voyant passer des tableaux toute la journée, qui tournaient de collections privées en collections privées et n’étaient jamais montrés au grand public, elle a décidé de scanner les catalogues d’expositions, d’imprimer les peintures, en grand, avec cette idée de les faire découvrir aux gens.

Un style “classique-décalé”

Puis, elle y a ajouté des expressions françaises. Son style ? Elle le qualifie de “classique-décalé”. L’idée, c’est de “sortir les personnages des tableaux, de leur cadre et en leur accolant un nouveau sens simple, premier degré que tout le monde peut comprendre”. Avec pour objectif de “démocratiser cette culture classique afin de la rendre accessible et de “partager cet amour de l’esthétique classique.

Pour la confection de ses œuvres, il y a deux mécaniques possibles. Soit elle part d’une œuvre et recherche ensuite une expression française qu’elle pourrait mettre en avant. Soit l’inverse, elle souhaite partager une expression française et elle recherche alors un tableau classique pour l’illustrer. Ensuite, elle réalise le montage de son œuvre et l’imprime chez un prestataire, puis elle découpe ses feuilles avant de les coller directement sur le mur.

S’il lui arrive de coller chez des particuliers ou dans des restos et des bars, Les Murs ont des oreilles apprécie particulièrement d’exposer ses œuvres sur les murs du 20e arrondissement. “Les collages restent un peu plus longtemps qu’ailleurs, la mairie est plus laxiste que dans d’autres arrondissements”, confie-t-elle. Les habitants ont l’habitude de voir du street art et des artistes coller, ce qui rend l’activité plus agréable : “Venir coller dans le 20e, c’est comme venir coller à la maison, tu sais que ça va être cool.”  

Laurane Charpentier

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