Aller à la rencontre de la jeunesse du 20e arrondissement, tel est l’objectif de cette série de portraits réalisée au Foyer de jeunes travailleurs (FJT) des Hauts de Belleville, rue du Borrégo. Parmi les 87 résidentes et résidents, Mohamed, 20 ans, nous a ouvert la porte de son studio.
Mohamed n’a pas eu une naissance “facile”, comme aime-t-il à le raconter. On est en décembre 2002, dans la région de Sétif, dans une Algérie où les naissances hors mariage sont très mal considérées. Ses parents, Saïda et Karim, se sont rencontrés dans un mariage, quelque temps plus tôt, mais ne sont pas mariés. Franco-algérien, son père vit en région parisienne. Alors que son ventre s’arrondit, sa mère part vivre chez une cousine et accouche dans le secret.
Ses trois premières années, il grandit caché à Alger chez une grand-tante. Ce n’est qu’une fois ses parents mariés – et pas un petit mariage ! – que l’enfant peut exister, officiellement. En racontant que, pendant toutes ces années, le couple était fiancé (bien évidemment). La famille s’installe à El Eulma, dans la région de Sétif. Son père, qui a des soucis avec l’Etat, fait de la prison, sa mère attend un petit frère, Saber. Son père finit par être libéré. Pendant quelques années, place à la normalité.
Nouvelle vie à Belleville
Mais cela ne dure pas. Ses parents divorcent en 2010 et son père rentre en France. Mohamed et Saber grandissent en Algérie auprès de leur mère. En 2018, alors que l’aîné est âgé de 16 ans, il leur propose de venir le rejoindre en France pour poursuivre leurs études. Choix pas évident. Le 12 janvier 2019, Mohamed débarque à rue Rebeval, à Belleville, où il se souvient que “l’air était bizarre”.
Direction une classe d’accueil au lycée Hector Guimard (dans le 19e arrondissement), où il effectue sa troisième, en prenant des cours supplémentaires de français au centre social des Rigoles (20e). Insuffisant pour avoir le niveau en seconde générale. On lui propose plusieurs métiers : plombier, coiffeur, électricien, chauffagiste. Il n’est pas retenu pour le seul de la liste qui lui plaisait, la pâtisserie. Par défaut, ce sera un CAP monteur et installation sanitaire.
Déterminé, il enchaîne avec un bac pro, décroché avec mention (technicien installation des systèmes énergétique), puis par un BTS en alternance (maintenance des systèmes énergétiques et climatique) chez Engie. “Il y a beaucoup de calculs à faire, mais j’aime bien ça !”. La suite envisagée, ce serait une école d’ingénieur en alternance, pour devenir responsable de projet dans l’énergie. Ou comment réussir à faire les études supérieures qu’on lui a refusé en troisième.
À 18 ans, il quitte le domicile familial
Après avoir vécu avec son père, sa belle-mère, et ses demi-frères et sœurs, dans un 2 pièces à Belleville (à huit dans un 46 m2 !) puis dans un logement social du 14e arrondissement, la mésentente familiale le pousse à partir l’année de ses 18 ans. Depuis, il vit au foyer de jeunes travailleurs (FJT) Les hauts de Belleville, dans un petit studio cosy aménagé avec goût. “Je sortais du lycée et je passais acheter des choses chez Maison du Monde !”.
Sa vie actuellement, c’est le 20e arrondissement, où il aimerait y rester, car il se sent chez lui, mais aussi les nombreux voyages qu’il s’offre, le Portugal en décembre, l’Algérie en février. Son rêve ? Raconter un jour l’histoire de sa famille – et la sienne – dans un film. À bon entendeur…
Photos : les clichés sont signées Gaëlle Guse, une photographe spécialisée dans le portrait, qui vit dans le 20e arrondissement de Paris.
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