La rencontre. Le chef de file de la liste “Le Nouveau Paris”, menée à Paris par Cédric Villani, nous a donné rendez-vous un dimanche matin de janvier au café Métro Pyrénées (92, rue de Belleville), à deux pas de chez lui.
Mon Petit 20e : Pouvez-vous vous présenter et nous résumer votre parcours ?
Rayan Nezzar : Bachelier à 15 ans, j’ai préparé le concours de médecine, avant de trouver ma voie en fac de droit, puis d’intégrer Science Po Paris en master et de réussir le concours de l’ENA. C’est à ce moment-là que j’ai l’idée de créer d’un réseau d’entraide pour les jeunes des quartiers populaires qui préparaient les concours des grandes écoles ou de la fonction publique. Après deux stages, l’un à l’Ambassade de France à Ottawa, l’autre à la préfecture de Charente-Maritime, j’ai travaillé pendant quatre ans au ministère de l’Économie, sur les politiques de solidarité puis sur les universités et la recherche. En 2016, j’ai conseillé Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle et participé à l’élaboration de son programme. Désormais en disponibilité, je suis enseignant en économie à l’université Paris-Dauphine. Si je me présente aujourd’hui dans le 20e, c’est que j’ai la conviction que la politique peut réellement changer les choses, mais aussi pour œuvrer à un renouvellement générationnel, et reconnecter le politique aux habitants.
Depuis quand vivez-vous dans le 20e ? Dans quel quartier précisément ?
Je suis un enfant du 20e, cela fait 22 ans que j’y vis. Depuis 1997, avec ma famille, d’origine algérienne, dans un HLM près de la Porte de Montreuil et aujourd’hui avec ma compagne, rue de Belleville.
Comment définiriez-vous le 20e pour des personnes qui n’y habitent pas ?
C’est un arrondissement d’une extraordinaire mixité, où au comptoir d’un café, on peut croiser l’enseignante et l’employé, l’architecte et l’agent municipal. C’est un brassage de couches sociales et de cultures. Je n’aime pas que l’on parle du 20e comme d’un arrondissement périphérique : c’est au contraire le cœur du Grand Paris, qui doit être pensé au-delà de la barrière du périphérique. C’est enfin un intense bouillonnement de cultures, d’initiatives citoyennes ou économiques, avec un riche passé historique, qui s’inscrit dans l’héritage rebelle de la Commune et de la Résistance.
Vos adresses fétiches dans le 20e ?
J’aime tout autant les petites cantines asiatiques de la rue de Belleville que les adresses créoles de Ménilmontant, ou la convivialité des bars à vin. On me trouvera aussi dans les cafés de la place Gambetta ou sur les terrains de foot de la Porte de Montreuil.
Quels sont selon vous les trois combats prioritaires dans le 20e ?
D’abord l’école pour lutter contre la segmentation sociale. Que constate-t-on aujourd’hui ? Le développement de pratiques d’évitement scolaire, avec des familles qui se tournent à contrecœur vers le privé parce qu’elles n’ont plus confiance dans l’école publique. Je veux lui redonner de l’attractivité, notamment en rehaussant le niveau des activités périscolaires. En favorisant, comme le montrent les études, l’apprentissage de la musique et de l’anglais en maternelle, puis des sciences ludiques en primaire. C’est un puissant levier contre les inégalités. Ensuite, je soutiendrai l’activité économique en redynamisant le commerce de proximité, surtout dans les quartiers défavorisés, en préemptant des locaux vacants et en proposant des baux progressifs. Enfin, je veux lier urgence écologique et justice sociale en lançant un grand programme de rénovation thermique des logements, pour faire baisser la facture énergétique des foyers, tout en réduisant leur empreinte carbone.
Qu’est ce qu’il manque aujourd’hui dans le 20e ?
Des services publics. Je souhaite créer un centre de santé municipal et développer les maisons de garde pour désengorger les urgences de l’hôpital Tenon. Nous mettrons en place une police municipale de proximité de 4 500 agents dans tout Paris. Ils patrouilleront à pied dans nos quartiers et verbaliseront les incivilités afin d’apaiser l’espace public.
Les pouvoirs d’un maire d’arrondissement suffisent-ils réellement pour peser sur la vie des habitants ?
Ses pouvoirs sont aujourd’hui trop réduits. Pour mieux agir, Cédric Villani décentralisera de nouveaux pouvoirs (sécurité, propreté, voierie, urbanisme) au niveau des mairies d’arrondissement. Je souhaite également travailler avec les maires des communes voisines (Bagnolet, Montreuil, Vincennes, Les Lilas, etc.) pour préparer l’agrandissement de Paris en consultant les habitants qui doivent pouvoir prendre part aux décisions qui les concernent.
Une anecdote à nous raconter sur ce début de campagne électorale ?
A l’occasion de cette campagne, j’ai renoué avec mon enseignante de primaire, en CE2, Evelyne, qui sera sur ma liste. La retrouver après tant d’années fut un moment très émouvant. Elle s’est beaucoup battue pour mon intégration scolaire et elle incarne à mes yeux tout le courage et l’humanisme dont font preuve ces instituteurs passionnés. J’ai à son égard beaucoup d’humilité et de reconnaissance. On ne se fait jamais seul, personne ne vient jamais de nulle part.
L’initiative citoyenne repérée dans le 20e et qui gagnerait à être connue ?
Difficile de n’en citer qu’une, tant l’arrondissement en regorge, et je ne voudrais pas m’approprier le travail mené par d’autres. Néanmoins, je voudrais saluer le travail des associations à destination des jeunes, notamment celles qui font de l’aide aux devoirs. C’est notre responsabilité d’offrir à ces jeunes, tout aussi intelligents mais qui n’ont pas toujours les codes, les mêmes chances que les autres. Pour valoriser et faire connaître ces actions, je créerai des Trophées citoyens du 20e arrondissement.
Des loisirs ou des hobbys pour se détendre après une rude journée politique ?
Le foot bien sûr, la lecture, beaucoup, mais aussi les jeux vidéo. C’est un hobby à la fois comme joueur et comme concepteur. J’ai dirigé la création d’un jeu de stratégie historique quand j’avais 18 ans, vendu à 90 000 exemplaires en Europe et aux Etats-Unis. Ce fut ma première expérience de gestion de projet, avec une équipe internationale d’une dizaine de programmeurs. Au même titre que la littérature ou le cinéma, le jeu vidéo est une part de notre culture contemporaine.
L’objectif affiché pour ces municipales ? Vous diriez que le pari est réussi si… ?
Si je deviens le prochain maire du 20e. Notre arrondissement compte tant de richesses à préserver et d’initiatives à encourager. La maire sortante a eu une gestion inefficace et parfois brutale. Le 20e a désormais besoin d’apaisement et de projection vers l’avenir.
En vue d’un second tour, avec qui pourriez-vous vous allier ?
Dans l’ensemble de la capitale, le mot d’ordre des listes de Cédric Villani est le même : nous travaillerons avec les bonnes volontés issues des écologistes aux progressistes et surtout de la société civile. Nous ne soutiendrons ni Anne Hidalgo ni Benjamin Griveaux [L’interview a été réalisée avant sa démission, ndlr] car nos programmes ou nos conceptions de la politique sont trop éloignés.
Votre première mesure en tant que maire du 20e ?
Lancer la concertation sur les rythmes et activités périscolaires pour les faire évoluer dès la rentrée de septembre. Pour avoir conduit des projets dans l’administration, je sais combien l’élaboration prend du temps et nécessite une certaine anticipation.
Crédit photo : Pauline Pellissier